Voici donc mon Top 5 2016 ! Cinq parmi tous les livres parus, dévorés et adorés cette année, cinq lectures qui interrogent la langue, qui modifient le regard et la perception, qui chacune à leur façon sont un bouleversement du réel, une inflexion. Cinq, plus un.
Le Bal des ardents, de Fabien Clouette.
La rumeur de la mort du roi, l’avancée de ses troupes vers le Port et un carnaval, un couronnement factice de rois successifs dans la poix, les plumes, le crin et le rythme des tambours, une révolution, le chant des orages sans bruit, un boomerang lancé, relancé, comme la question qui se pose à tous : partir ou rester, désir d’un ailleurs calme, volonté de rester pour assister à l’événement historique en train de s’écrire. Le Bal des ardents est un roman éblouissant qui nous emporte dans la folie d’une langue belle et mouvante qui déboussole. On y retrouve le plaisir de se laisser submerger par l’écriture de Fabien Clouette, qui nous avait déjà impressionnés dans Quelques rides, son premier roman.
Retrouvez sur le site la chronique du Bal des ardents par Caroline, et la mienne sur mon blog.
Le Bal des ardents, Fabien Clouette. Editions de l’Ogre, 2016.
Contrenarrations, de John Keene.
Contrenarrations transporte le lecteur dans traversée déroutante et stupéfiante d’une contre-histoire des Noirs en Amérique, à travers temps et espace, de la découverte de l’île Mannahatta, aux jungles du Brésil colonial, jusqu’à l’Amérique contemporaine, en passant par Haïti et Montmartre. Ni roman ni recueil de nouvelles, Contrenarrations est une sorte d’incroyable mixtape composée de treize histoires centrées chacune sur un personnage dont la voix vous happe et vous percute par son le désir profond de liberté et d’émancipation. La vision, la réappropriation et la créativité de John Keene sont impressionnantes de virtuosité. Il faut absolument le lire !
Retrouvez sur le site la chronique de Contrenarrations par Caroline, et la mienne sur mon blog.
Contrenarrations, John Keene, traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Hoepffner. Editions Cambourakis, 2016.
Les anges radieux, de William T. Vollman.
Le premier roman de Vollmann a enfin été publié en France cette année dans une vertigineuse traduction de Claro. Les anges radieux est une lecture dense, touffue et moite, un livre-termitière aux longs et sinueux couloirs à la narration orchestrée par Big George, intelligence artificielle, entité omnisciente et omniprésente. Alors que l’on retrace l’histoire de l’électricité, les réactionnaires, sous la férule du capitalisme et du consumérisme, affrontent les insectes dirigés par le Grand Scarabée et alliés aux révolutionnaires… Un casse-tête diégétique virtuose qui plonge l’imaginaire américain dans un immense bain d’acide formique.
Retrouvez sur le site ma chronique de Les anges radieux.
Les anges radieux, William T. Vollmann, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claro. Actes Sud, 2016.
La Scie Patriotique, de Nicole Caligaris, avec douze dessins de Denis Pouppeville.
À l’arrière-garde du front, la Ultième C se met en mouvement alors qu’elle ne reçoit plus aucun ordre. Sa folie crasse et gélatineuse incarne tout l’absurde et le grotesque de la guerre. Celle-ci pourrait être n’importe quelle guerre, les tranchées de Verdun ou les bourbiers bosniaques. Une guerre bête, patriote, sale comme toutes, où l’humanité devient boue, où la boue colmate les pensées et broie les individualités. La Scie Patriotique est un livre marquant, réédité par Le Nouvel Attila avec les dessins aux traits noirs et appuyés de Denis Pouppeville qui dialoguent avec la langue forte, précise, puissante, de Nicole Caligaris.
Retrouvez sur le site ma chronique de La Scie Patriotique.
La Scie Patriotique, de Nicole Caligaris, avec douze dessins de Denis Pouppeville. Éditions Le Nouvel Attila, 2016.
Sombre aux abords, de Julien d’Abrigeon.
Sombre aux abords est un livre que l’on ne peut pas poser avant de s’être pris la dernière page en pleine gueule, après avoir encaissé les autres. Un quotidien moche en bord de route nationale 106, des bagnoles, des arnaques, des pères trop durs, des filles qui partent, un art du cadrage à l’américaine, des portraits à la Depardon, un regard photographique sur ces personnages usés et ces vies de seconde zone qui émaillent les chansons de rock country et les bons polars : les images restent, chaque phrase fuse, prend aux tripes et l’écriture de Julien d’Abrigeon roue le corps à coup d’uppercut.
Retrouvez sur le site ma chronique de Sombre aux abords.
Sombre aux abords, Julien d’Abrigeon. Quidam éditeur, 2016.
Mention spéciale n°6 : Comment rester immobile quand on est en feu, de Claro.
Poétique et puissant manifeste du langage et réveil de la langue, dialogue entre deux voix — l’une qui élève et l’autre qui « excave », Comment rester immobile quand on est en feu avait ouvert 2016, laissons-le la conclure. Pour secouer ceux qui dorment, introduire plus encore la menace de la poésie dans chaque texte et chaque écrit, pour redonner corps et force aux mots, « intercède ô langue appétit néant ».
Retrouvez sur le site ma chronique de Comment rester immobile quand on est en feu.
Comment rester immobile quand on est en feu, Claro. Éditions de l’Ogre, 2016.