Après le très réussi Les veilleurs , Vincent Message retourne à la fiction avec un conte philosophique, Défaite des maîtres et possesseurs aux éditions du Seuil. Adoptant le genre de la science-fiction, Vincent Message livre ici une dystopie alarmante et amère où les petits bonshommes verts ne viennent pas pour faire la paix. Un tour de force humaniste qui ouvre plusieurs sources de réflexion à la fin de la première lecture et qui force le lecteur à voir et penser ce qui est sans cesse refoulé.
Iris s’est enfuie. Iris est sans papiers. Malo la recherche et la retrouve. Iris a eu un accident et sera laissée pour morte si Malo ne trouve pas une solution. On apprend petit à petit que Iris est « une femme de compagnie » et qu’elle ne devrait en aucun être auprès de Malo. On apprend aussi que Malo n’est pas un « humain » mais un être supérieur issue d’une espèce qui lors d’une migration a colonisé l’humanité qui est donc devenue rien de moins que des bêtes.
Malo doit donc jouer la course contre la montre pour que Iris puisse avoir un greffon et ne se fasse pas piquer. Pour trouver quelqu’un qui peut lui fournir ses papiers. En proie au désespoir, Malo s’immisce dans les réseaux clandestins afin de trouver un être qui puisse l’aider. Malgré le fait qu’il soit du côté de ceux qui font la loi et malgré les souvenirs qui parasitent sa pensée.
Vincent Message se sert du conte pour parler d’une multitude de choses qui touche beaucoup à l’actualité et sur lesquelles nous fermons beaucoup trop les yeux. Les désastres écologiques, notre trop grand appétit, de viande surtout qui dans le texte prend un tournant à glacer le sang. Les êtres humains sont en élevages, gavés afin de finir en steaks hachés. Tant de souffrance pour quelques minutes de plaisir. Passage terrible et insoutenable qui n’est pas sans rappeler Michel Faber et son superbe bouquin Under the skin.
A travers cette population « d’êtres stellaires » qui ont grâce à une capacité de mimétisme intégrés tout ce qui est en nous les êtres humains – langages, codes sociaux, politique etc-. Ils recréent donc une société en tous point identique et qui comme la nôtre se dégrade et devient ubuesque.
A travers cette dystopie, Vincent Message critique notre société, notre incapacité à réfléchir sur le long terme et à se croire en tout point supérieur ( notamment la race blanche ). Notre appétit de pouvoir est critiqué, immense et insatiable, truffé d’égoïsme et de bêtise.
Autre point sensible : celui de l’autre. L’Autre qui est le sujet d’une peur organisée mais aussi sujet de ce qui sauvera le monde, à savoir l’amour. Iris représente les deux. C’est une sans papier et sans papiers son arrêt de mort est prononcée. Pourtant Malo l’aime mais la bêtise procédurière rend cela impossible.
A travers ce texte, Vincent Message fait passer une multitude de questions qu’il est urgent de se poser et dont il faut parler. Le langage est ce qui nous sépare des animaux et qui fait de nous des êtres capables ensemble de réflexion. Il suffit juste d’aimer les autres pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils représentent.
C’est ici un texte fort et humaniste où toutes les phrases ne sont qu’un miroir de la vaste farce qu’est devenu le monde. Il faut donc songer à ouvrir les yeux et à lire des ouvrages aussi puissant que celui ci.
Editions du Seuil
250 pages
Gwen
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