Eduardo Mendoza, fait partie de cette génération d’écrivains ayant vécu et écrit sous les différents régimes politiques espagnoles. Auteur emblématique, tant par son style, qui emprunte une trame narrative originale, que par son point de vue critique sur la société de l’époque, il marque le renouveau du genre littéraire dans une Espagne en pleine transition démocratique dans les années soixante-dix.
Le mystère de la crypte ensorcelée est une remarquable parodie de roman policier dans laquelle Eduardo Mendoza dénonce les dérives de l’époque « prépostfranquiste », avec causticité et beaucoup de talent.
L’action se déroule entre les bas fond de la ville de Barcelone, ces quartiers bourgeois, et un pensionnat religieux où deux jeunes filles ont disparu dans des conditions assez mystérieuses. L’enquêteur principal – qui n’est autre que le narrateur – diagnostiqué fou, délinquant bien malgré lui et indic pour le commissaire Flores par le passé, est aussi un grand amateur de Pepsi-Cola. Sorti de l’asile par la mère supérieure en charge de l’établissement concerné et le commissaire précédemment cité, il ne peut refusé l’offre qui lui est faite : résoudre l’énigme de ses disparitions en contrepartie de sa liberté.
Le marché aussitôt accepté (au bon souvenir de sa canine perdu quelques années auparavant entre les mains de ce cher commissaire Flores, aussi épris de justice que peut l’être un policier corrompu et avide de pouvoir), il se retrouve jeté dans les rues de Barcelone. Livré à lui-même, sans le sou et sans la moindre piste à suivre, le narrateur, détective improvisé, est bien décidé à prendre les choses en mains.
De son allure nous ne dirons rien, il en dresse un portrait des plus objectif. De son art oratoire, nous dirons qu’il fait tout. Il le sort des situations les plus compliqués, nous embarque dans des histoires invraisemblables et fait tout le charme du narrateur qui se retrouve bien souvent en mauvaise posture. Chez lui, rien n’est prémédité; il est plus instinctif que réfléchi mais fait preuve d’une grande ingéniosité. En d’autres termes, il est aussi perspicace qu’indiscipliné. Par ailleurs, il ne se laisse jamais abattre mais parfois trahir par sa peur, ce qui ne manque pas de provoquer quelques déconvenues…
Nous le suivons donc tout au long de l’enquête, dans les tours et les détours de ses pensées, au rythme de ses déboires et de ses avancées qui font de ce roman une œuvre picaresque. Le décalage entre le langage du narrateur, son statut social et ses idées burlesques donne au récit un ton inimitable et dénonce incontestablement l’ordre établi. Si la logique d’un fou est impénétrable, elle est d’une lucidité souvent surprenante, et n’est pas moins sensée que celle instituée par la norme sociale.
Le mystère de la crypte ensorcelée est le deuxième roman d’Eduardo Mendoza et donne fortement envie de lire les autres, si ce n’est pas déjà fait…
Editions Points, 1982 (1979 pour la version originale)
181 pages
Traduit de l’espagnol par Anabel Herbout et Edgardo Cozarinsky
Pauline