La cavale, l’abandon, la fuite du narrateur et d’un mystérieux “cabot”. La quarantaine, usé, frêle, les dents abimées. On ne sait pas pourquoi il fuit, ni pourquoi l’asphalte et les autres l’effraient. Mais le narrateur entraîne le lecteur dans la splendeur d’une nature vertigineuse, angoissante et envoûtante. Quelque part à l’issue du chemin, il y a le Lac. Le Lac et le vacarme du Mur. Qui attend.
Sorte d’épopée sauvage qui se serait perdue dans un roman de « nature writing », il n’en reste pas moins un texte puissant, aux propos aussi énigmatiques que pesants. Un monde – la forêt- quasi vivant et un cabot comme semi conscience du personnage, le narrateur évolue dans un monde tiraillé entre beauté et violence, poésie et désenchantement.
“Sonné. Souffle coupé. Me tâte. La pioche a valsé sur les pierres, tinté et rebondi, intacte. Mes dents ont cogné fort quand j’ai atterri dans les galets sableux. Une chance de ne pas m’être tranché la gueule en deux. Je me redresse sur un coude, sur un côté tremblant. Le flot caracole sous mes yeux incertains. Impassible. Les doigts explorent, se rassurent petit à petit de ne rien trouver qui ne soit pas aligné avec le reste. Les jambes vont bien, c’est l’essentiel. On ne peut pas marcher, sans jambes. on ne peut pas fuir. Derrière moi, en haut de la butte, il y a cette route puante qui persiste d’un silence moqueur.“
La plume de Patrick K. Dewdney est aussi précise que belle, certains passages sont à couper le souffle, la violence devient esthétique et les descriptions de la nature n’ont rien à envier à certains auteurs de « Nature Writing ». L’alternance entre le moment présent et le passé du narrateur emmène le lecteur petit à petit à reconsidérer ses a priori et finalement à nous présenter le personnage sous un angle inédit. Il s’agit ici du troisième roman de ce jeune auteur – Neva, chez les Contrebandiers, Mauvaise Graisse, chez Geste éditions – C’est également un poète – Perséphone Lunaire – et c’est ce dernier détail qui, tout comme chez un certain Mathieu Brosseau et son Data Transport, fait toute la différence et apporte toute sa beauté au texte par le choix des mots.
Un roman à classer quelque part entre “L’abandon” de Peter Rock et le très talentueux “En territoire Auraiaba” de Jérôme Lafargue. Une belle découverte, un roman court et puissant, tout en nuance et en violence. Une maitrise impressionnante du sujet par son auteur.
Ecorce éditions / La Manufacture de livres
Collection Territori
190 pages
Ted.
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