Léila quitte un beau jour son village de Kardamyli pour la grande Atollville, où elle compte travailler dans une usine de tissage avant peut-être de pouvoir tisser de son côté. Car Léila Vargas a un grand talent. Une malédiction pour certain, un don divin pour d’autres, juste un talent pour elle. Elle tisse depuis sa plus tendre enfance des tapisseries d’une beauté et d’une précision inégalée, y réalisant des scènes qu’elle ne peut pas forcément connaître comme si elle y avait été. Léila aurait-elle hérité du don de clairvoyance de sa mère ? Loin de le croire, car ce don a provoqué la mort de sa génitrice, Léila travaille à l’usine des Textiles Minerva, tisse de son côté et commence à se faire une petite réputation.
Mais c’est sans compter sur cette vielle femme qui apparaît de temps à autre, semblant connaître bien des choses sur Léila et sur sa mère, ou sur cette femme qui vient un jour supplier Léila de sauver son fils grâce à ses dons.
« Il y avait une araignée en particulier dont elle se sentait proche : une femelle agile et volumineuse, le ventre rose-brun proéminent, la croix dorsale nette et brillante, comme peinte. Tant que Léila ne bougeait pas, l’araignée semblait parfaitement heureuse de se laisser observer en plein travail, démontrant ses méthodes dans mille patientes et adroites répétitions, un peu comme si elle donnait un cours magistral de tissage de toile pour étudiant chevronnés. »
Dans cette novella Nina Allan s’amuse à revisiter le mythe d’Athéna et Arachné dans une Grèce future. Fille d’un plongeur qui a fait fortune en produisant une teinture d’une qualité supérieure et d’une femme exécutée pour clairvoyance, Léila, Arachné moderne, cherche à échapper à ce passé trop lourd et se consacrer à la seule chose qui importe vraiment pour elle, la tapisserie et les panomramas. Laissant les fils glisser entre ses doigts, elle crée de véritable morceaux de vie, des scènes arrachées à la réalité qui semblent emporter avec elle des bouts de monde.
« Tout est réel, d’une certaine manière, une fois qu’on l’a imaginé. »
Appelée au secours d’un jeune homme victime d’une maladie inconnue et putréfiante, peut-être causée elle aussi par une malédiction, réelle ou imaginaire, Léila va se retrouver confrontée à l’utilisation de ce don qu’elle rejette, auquel elle ne croit pas et que tous autour d’elle craignent ou révèrent. Et quand il s’agit de don divin, le dieu ou la déesse en question n’est jamais loin, car les habitants de l’Olympe, facétieux et susceptibles, aiment jouer avec les destins humains.
« Si on traite les œuvres d’art comme des fossiles, c’est ce qu’elles finissent par devenir. »
Cette réécriture est l’occasion pour Nina Allan de montrer une nouvelle fois avec quel talent elle crée des atmosphère envoûtantes et terrifiantes à la fois. Le don de Léila pour le tissage, son amour des paysages permet des descriptions absolument incroyable de l’environnement dans lequel elle progresse, les couleurs se démultiplient, se diffractent et inondent le monde de leur variété et de leur existence presque irréelle.
Le conflit avec la façon dont Léila vit son talent et ce que les autres cherchent à y mettre, Spin est aussi une grande réflexion sur la création artistique, ce que l’on y met et ce qu’on y prend, sa beauté ensorcelante et ses pièges.
Encore un grand texte de la grande Nina Allan, qui décidément a nombre de fils à sa toile, tous plus incroyables les uns que les autres !
Tristram
Collection Souple,
Traduit de l’anglais par Bernard Sigaud
85 pages
Marcelline
Image en une : Gustave Doré, Minerve et Arachné