Un homme, qui ressemble à un jeune de dix sept ans mais qui en réalité en a trente, atteint de tuberculose, presque aveugle et portant un dentier, débarque dans une petite ville afin de pouvoir reprendre des études. Logé chez l’habitant, il sympathise très vite avec la femme du logeur et la jeune et étrange femme de ménage. Mais si cet homme, que nous appellerons Carl Bigelow, était en fait un tueur professionnel, et si ce tueur que l’on pourrait appeler « Little Bigger » était en fait embauché pour tuer l’homme chez qui il loge ?
« En supposant qu’il soit toujours vivant et qu’il n’ait pas changé, Little Bigger est un petit homme d’aspect plutôt inoffensif, qui mesure un peu plus d’un mètre cinquante, et pèse approximativement quarante cinq kilos. On croit savoir qu’il est atteint de tuberculose. Sa vue est faible, et il porte des lunettes à verres épais. Ses dents sont en mauvais état, et il lui en manque un bon nombre. De caractère emporté, c’est par ailleurs un homme méthodique, qui fume et boit modérément. Il parait plus jeune que les trente ou trente-cinq ans qu’il doit avoir maintenant, selon les estimations. »
« Nuit de Fureur » est dingue et jette les bases pour bon nombre de romans qui viendront par la suite. Publié en 1953, mais seulement en 1987 en France, il s’agit peut-être d’une des œuvres policières les plus cultes existantes outre atlantique. D’ailleurs un certain Jake Hinkson ( L’enfer de Church Street, Neonoir, Gallmeister, 2015) disait à propos de ce roman :
« Thompson n’a jamais vu un cliché dont il n’a pas voulu se moquer ou démonter avec une efficacité brutale. Dans ce livre, il raconte l’histoire d’un tueur à gages qui arrive dans une petite ville pour tuer quelqu’un. A partir de là, Thompson commence à trainer dans un cauchemar surréaliste qui se termine dans le dernier chapitre le plus fou de tous les romans policier/noirs américains. »
« The killer inside me » avait déjà quelque chose d’angoissant et un grain de folie lancinant qui nous pétait au visage lors du final, mais ici, l’auteur se surpasse en tout point et ce dès le début.
Jim Thompson est un maître, voire Le maître du Polar et du roman noir. Le travail d’ambiance, la concision des dialogues, l’histoire, le tout est parfaitement maîtrisé et jeté à la face du lecteur avec une telle violence que vous ne pourrez qu’aimer !
Le tueur, Carl « Little Bigger » Bigelow, est aussi charismatique et inquiétant que sympathique et pitoyable. Les personnages secondaires sont tout aussi fourbes et sournois que lui et la ville petit à petit referme ses griffes sur Carl.
Il s’agit très certainement du roman de Jim Thompson à lire, s’il ne doit y en avoir qu’un seul, n’hésitez pas. La traduction de Jean-Paul Gratias est parfaite, l’univers de l’auteur vertigineux et le final est aussi fou que glauque. Un roman qui a des petits airs de Brian Evenson, c’est pour dire à quel point « Nuit de Fureur » est parfait !
Rivages/ Noir,
Trad. Jean-Paul Gratias,
256 pages,
Ted.
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