Années quatre-vingt, Lagos de Moreno, Mexique. Dans ce trou, plus de vaches que de gens, gens qui par ailleurs croient en Dieu, aux ovnis et aux fantômes. Et il y a cette petite “maison” aux airs de vieille boîte de chaussures qui se profile sur la colline de la Foutaise. C’est une fratrie animée qui s’y terre, truculents personnages aux bien folles aventures. D’abord, un évènement bien louche vient bousculer l’objet de leur quotidien. Les faux jumeaux, Castor et Pollux ont disparu ! Ont-ils vraiment été enlevés en pleine journée dans un supermarché ? Ont-ils fugué, las de leur misérable existence ? Sont-ils encore en vie quelque part ? Aristote, l’aîné, a une idée bien précise de ce qui leur est arrivé, ils ont tout simplement été enlevés par des extraterrestres ! Commence une enquête délirante qui aura bien du mal à aboutir, ce n’est un secret pour personne.
« Pour cette raison je savais que personne n’avait enlevé les jumeaux pour de faux, qu’ils avaient simplement décidé de se tirer, d’échapper aux limites de notre existence claustrophobe. Jarek n’aurait jamais envisagé de se sauver de chez lui, même si à la télé on disait que les riches pleuraient aussi, je les voyais ravis, tout contents, très satisfaits d’avoir l’exclusivité de la joie. »
Puis c’est au tour des polonais de venir construire une maison cinq étoiles, gigantesque, juste à côté de la toute petite maison à quesadillas. Entre jalousie et réel dégoût, les deux familles démarrent une guerre de territoire. La vie de nos héros aurait pu être banale s’ils avaient vécu dans un endroit normal. Or, cette partie du Mexique n’a rien d’ordinaire et tout ce qui la constitue semble faire jaillir du surréalisme à tout va. Histoires ovniesques mêlées de religieux sur fond de politique mexicaine. Un gouvernement qui fout le camp et des petites gens désabusés qui ne se préoccupent en réalité que du nombre de quesadillas qu’ils pourront dévorer le soir même. Au milieu de tout cela, Oreste, quatorze ans, narrateur attitré et surprenant, se doit de remettre un peu d’ordre. Et c’est finalement un peu de sa destinée que le lecteur s’engage à suivre.
« Ne vivions-nous pas dans le pays où nous vivions ? N’était-il pas entendu qu’il nous arrivait sans cesse des choses fantastiques et merveilleuses ? Ne parlions-nous pas avec les morts ? Ne disait-on pas partout que nous étions un pays surréaliste ? »
L’humour est acéré et piquant, Juan Pablo Villalobos tire à bout portant sur tous les travers d’un Mexique à la dérive. Et rien ne semble pouvoir lui échapper. On rit beaucoup, d’un rire jamais complètement innocent car il y a toujours aussi beaucoup de noir venant tacher la toile de fond. Les injures fusent d’une drôle de profusion, participant, il faut le dire, au délice qu’est la langue de l’auteur, elle-même transmise par la très juste traduction de Claude Bleton. Les dialogues qui sont souvent de formidables quiproquos malentendus sont détonants et terriblement absurdes, laissant opérer le charme que l’on voue à ce court roman.
Actes Sud
Traduit par Claude Bleton
Octobre 2014