Le Nature Writing est une catégorie littéraire qui est apparue au coeur des Etats-Unis et signifiant mot-à-mot « écrire la nature ». Puisant ses sources dans le récit de voyage et des grands espaces mais aussi parfois du thriller, ce style romanesque à la prose écologique nous offre la possibilité grisante de toucher intimement la vie sauvage de manière authentique et entière.
Trevor Ferguson est un de ces écrivains férus de matières premières brutes, telle que la mélancolie du bois des forêts, la morsure des cours d’eau sauvage mais aussi celles se rapportant à l’homme primitif: comme la peur panique et le dépassement de soi entrainé par l’instinct de survie pur.
Traque à la cible changeante où les protagonistes sont tour-à-tour proie et prédateur, au cœur d’une forêt où l’homme n’a pas encore imposé sa marque indélébile, Sous l’Aile du Corbeau est un roman de chasse effrenée.
Henry Scowcroft, marginal à la patte folle, part à la recherche d’un des frères Duff, Thomas, vivant en ermite depuis de nombreuses années. A sa poursuite, Morgan Duff, sorte de fou sanguinaire, le Docteur Marifield adepte de la bouteille et ayant pour coéquipier Billy, indien sans âge et chef de la tribu des Corbeaux, ainsi qu’une foule de fantômes du passé qui se pressent sans cesse dans la mémoire de ces hommes abimés.
Tous ces protagonistes sont liés par un seul et unique destin vers lequel ils s’engagent avec plus ou moins de crainte, destin métaphoriquement retranscrit par leur cheminement dans la nature sauvage et parfois hostile où la survie est le maitre mot. Une route sinueuse et dangereuse qui les renvoient à leurs vécus qu’ils fuient respectivement, qui les enracinent malgré eux en les empêchant d’aller de l’avant.
A la manière d’un voyage initiatique visant à les confronter de force à leur démons intérieurs, Trevor Ferguson ne laisse aucune issue à ses personnages, les poussant dans leurs ultimes retranchements physique et moral.
Ici la folie humaine est incarnée sous toutes ses formes, personnifiée en chacun de ces hommes si proches de l’état primitif et guidés par leurs pulsions plus que par leur raison, au cœur d’une nature hostile qui semble être la dernière entité réellement entière et sans faux-semblant de ce monde dégénéré.
C’est une véritable plongée dans les racines de l’esprit et les enchevêtrements de l’histoire individuelle et collective. Un roman clair-obscur où le passé se superpose sans cesse au présent, et où les protagonistes rongés par les intempéries de la vie tentent de survivre dans la nature indomptée du fardeau de leurs consciences.
Le Serpent à plumes
333 pages
Caroline