Barnabas Kane est irlandais, du Donegal, il a dû quitter le pays dans sa jeunesse pour les États-Unis. Il a bien vécu et s’est forgé à Manhattan, dans le ciel, sur les poutres des futurs grands buildings, en tant que riveteur, en tant qu’acrobate défiant la mort chaque jour et fêtant la vie chaque nuit. La rencontre avec Iskra va lui mettre du plomb dans la cervelle et lui donner l’envie de fonder une famille. Une famille, mais pas aux États-Unis, car Barnabas a le mal du pays et le Donegal l’appelle. Une ferme à retaper, un enfant et des années plus tard, nous retrouvons le fermier Barnabas par une nuit où le ciel est illuminé par un incendie, celui de sa grange, son bétail et un employé dans cette grange, le drame est inévitable, même Barnabas en réchappera de peu.
Barnabas n’est pas homme à baisser les bras facilement et reprendre sa vie en main devient une quête périlleuse pour lui, les villageois regardent ce « faux » enfant du pays de travers et lui reprochent la mort de son employé. Son fils et sa femme le reconnaissent de moins en moins et chaque secret qui habite cette région semble vouer à nuire à Barnabas Kane.
Second roman de l’auteur d’ « Un ciel rouge le matin » ( Albin Michel, 2014), La neige noire est un roman âpre à la beauté glaçante et à la fureur contenue. Un texte d’une densité rare qui nous fait aimer cette espèce de violence tout en retenue qui habite les personnages de ce roman. A l’image de la rudesse de la nature du Donegal, Barnabas et ses voisins sont habités par cette même dureté, poussés par ce même désespoir et constamment secoués par une nature hostile.
« Le silence de la ferme irradie sa malfaisance dans la maison, pèse de tout son poids sur les choses. Le soir, la lueur vacillante des lampes à gaz se tend vers l’obscurité mais ne pénètre pas tous les non-dits qui s’installent entre eux. D’un clappement de langue, les pendules commentent ce silence qui s’étire. »
Le style de l’auteur, toujours aussi raffiné et richement imagé, gagne en puissance et en dynamisme sur ce second roman. Originaire du Donegal, on sent que Paul Lynch connaît son sujet lorsqu’il parle de cette région, de sa nature, de ses croyances et surtout des habitants de cette région. Le texte attrape le lecteur et le plonge dans cette région en quelques lignes, avec des descriptions courtes, voire parfois en quelques mots le décor et l’ambiance s’imposent à nous.
«Il s’enveloppe de ses propres ténèbres sous un ciel nocturne sans nuages, illuminé par la lointaine beauté des étoiles qui lui révèlent une échelle de temps inaccessible à son intelligence. S’échapper. Se glisser hors du présent pour se diluer dans la fraîcheur de l’obscurité, atteindre un lieu où les bruits s’estompent en un vague tintement. »
Un roman puissant et rempli de fureur, magnifiquement traduit par Marina Boraso. Une Irlande encore plus belle et froide, des personnages rudes, secs et habités par l’esprit du Donegal, La neige noire est ce que l’on s’attend à lire quand on veut lire un texte irlandais écrit par un irlandais sur les irlandais. Une pépite saluée dans son pays par la presse et des auteurs tels que Robert McLiam Wilson. Tout comme « La battue » de l’australien Rohan Wilson, il serait scandaleux de passer à côté.
Albin Michel,
Les grandes traductions,
Trad. Marina Boraso,
300 pages,
Ted.
Magnifique roman, je suis bien d’accord. J’avais adoré le précédent également, je trouve celui-là plus difficile quand même, avec l’unité de lieu. L’intrigue est moins facile pour s’accrocher, il faut vraiment s’en remettre totalement au style. Je pense qu’un non initié à Lynch devrait commencer par ” Un ciel rouge…” 😉
AH oui? c’est drôle cette perception, car pour ma part j’ai préféré celui-ci au premier. Mais je vais relire “Un ciel rouge” pour le chroniquer du coup, il sort en poche ce mois-ci.
Merci pour votre retour, le titre est corrigé! 😉
Ted.
Belle chronique à laquelle je souscris fort volontiers et entièrement sauf sur le titre du roman australien !!!