James est un jeune homme de dix-sept ans, foulant le sol d’Irlande de sa jeunesse désabusée. Il vit avec sa mère, dépressive et alcoolique, et leurs relations s’agitent, complexes, violentes et pourtant si délicates. Ce malaise survient après la mort de l’homme de famille alors que James n’a que huit ans. Sa mère, qui se sent abandonnée, ne peut alors que tomber dans les bras de Sully, un amant lunatique que James hait et qu’il considère tel un parasite de la sphère familiale. De cette sphère dont il rêve si souvent et qu’il aurait aimé préserver du temps et de la mort.
« Je souhaite la mort de ma mère. Je souhaite la mort de mes professeurs, sauf peut-être un. Il peut vivre. Je veux que les bébés meurent. Je veux la mort de l’amour. Je veux la mort de la beauté. Mais, plus que tout, je veux la mort de cette partie tendre en moi, cette partie couchée qui dort dans ce lit, ses menottes de fillette serrant sa torche, sa nuque de gamin aussi blanche qu’un nuage. C’est par là que je commencerai. »
Au gré de ses rêveries macabres, où il met en scène la mort, les morts, James recrée un monde dans lequel il est maître des possibles. Et de ces récits morbides très vite naissent de sensibles instants de grâce au cœur desquels il construit un autre père pour remplacer l’absent. Il l’imagine héroïque, astronaute envoyé en mission stellaire mais qui se serait perdu dans l’immensité de l’espace. James écrit des lettres et dans son imagination fertile, ce père nouveau lui répond et lui révèle ce qu’est la vie, l’amour. Ces escapades imaginaires sont de réelles bouffées d’oxygène pour cet adolescent qui tend à fuir la morosité de la vie et ses réalités. Des conflits armés, une lourdeur omniprésente, celle de la guerre prête à frapper, une mère qui sombre dans la noirceur de l’alcool et ce père parti trop tôt.
« Je sais que c’est un job important, mais moi, qu’est ce que je deviens ? Qu’est-ce qui se passe pour ton fils ? Tu m’as laissé ici en leur compagnie à subir leurs roucoulements amoureux et leurs horribles disputes. Peut-être devrais-je juste me préoccuper que de moi-même et t’oublier. Je suis désolé mais le monde est glacial et aucune lumière ne peut le réchauffer. »
James vacille d’un sentiment à l’autre, de l’amour à la haine, du manque avoué au rejet, de la tristesse douce à la colère qui gronde. Comment se définir, devenir un homme sans avoir lu la notice, pris connaissance du modèle ? Et nous lecteurs, nous suivons ce rythme effréné, saccadé, cette sensibilité exacerbé d’un jeune homme poète et acteur, qui réinvente le monde pour mieux le sublimer. John Lynch est lui aussi poète lorsqu’il livre ce récit initiatique. La déchirure de l’eau pour un être à reconstruire, les mots résonnent tel un sacerdoce tout au long du roman. Une vraie belle expérience de lecture qui est aussi un bel hommage à la vie.
« Encore une chose. Si tu assassines tes rêves, quand tu mourras, ils reviendront tous en un coup et ils seront si nombreux, tellement furieux d’avoir été stoppés qu’ils renaîtront en cauchemars. Je devrais le savoir. Mon temps de réception alloué est terminé. Je t’aime. S’il te plait, continue de rêver. »
Le castor Astral
Traduit de l’anglais (Irlande) par Richard Bégault
240 pages
Août 2015
Lucie