Tout commence sur une route, un amas de corbeaux se déchainant sur une carcasse. Un spectacle aussi naturel que macabre. Puis le village peu à peu est envahi par ces mêmes charognards, de plus en plus nombreux, jours après jours. Le décor change, leur présence devient pesante, dévaste les esprits. Que veulent-ils ? Que vont-ils faire ? La population s’inquiète, désespère et petit à petit fuit. Mais un homme, un inconnu, dont le nom finalement n’a que très peu d’importance reste, et, jour après jour, fiévreusement, consigne dans un carnet son quotidien et ses observations. La folie et le désespoir guettent, et notre narrateur n’est pas au bout de ses peines.
« Ils sont trois ou quatre, peut-être plus. A becqueter, déchiqueter – à broyer ces restes propitiatoires d’un reste éviscéré de, bientôt incrustés dans l’asphalte.
Ce spectacle n’a rien d’exceptionnel en soi. Ils s’en donnent à cœur joie, chacun leur tour dans leur patience docile de communiants. L’un d’eux, c’est l’image que j’en garde, relève la tête et me voit. Foncer sur lui, droit, sur eux. Je crois –»
Charognard est le premier roman de Stéphane Vanderhaeghe. Sous forme de carnet, l’auteur développe un univers riche et dense dans des rapports quotidiens très sensés, au démarrage, mais de plus en plus confus au fur et à mesure du développement de l’histoire. L’ombre lancinante et asphyxiante de ces charognards qui aussi bien physiquement que mentalement, petit à petit, ronge ce village, et son dernier habitant contribue à une ambiance et un rythme qui démontrent une maitrise et une grande maturité pour un premier roman. Des descriptions minimalistes mais toujours très imagées et percutantes, quasi cinématographiques, prouvent que Stéphane Vanderhaeghe possède totalement son sujet.
« Quoique bien sûr je demeure convaincu qu’il n’y a pas eu de début clairement marqué, pas d’instant zéro, pas de coup de pistolet signalant le départ de cette course à la mort Les coups qui éclatent encore dans mon esprit ont été très trop tard, inutiles. Ont toujours été là, les charognards, n’ont jamais cessé de commencer d’entamer nos vies.
De loin, imperceptibles.
Une tumeur.
Qui lentement grossit.
Grossit.
Grossit.
Jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Jusqu’à ce qu’on comprenne qu’il a toujours été trop tard. »
Kafka chez McCarthy, Ben Marcus version française,…, les comparaisons sont faciles, mais dans le cas de Stéphane Vanderhaeghe totalement fondées. Cet auteur est à suivre de très près.
Un premier roman, mais quel premier roman ! Une ambiance et une histoire maitrisées d’un bout à l’autre, un personnage labyrinthique passionnant et angoissant, un univers très marqué et en même temps loin des clichés que pourrait être Charognard, un parti pris esthétique – la mise en page est soignée et a un rôle important dans l’appréciation du texte- bref, ce roman est à découvrir, à lire, et surtout à partager.
Il me tente beaucoup celui-là.
J’ai lu l’extrait et whaouh le style offre une ambiance unique et effectivement quasi cinématographique !