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Clayton Lindemuth – Une contrée paisible et froide

Bittersmith, Wyoming, 1971

« Je mate Jeanine, une serveuse bandante qui bosse de l’autre côté de la rue ; deux ans que je me dis qu’un de ces jours, je la servirais volontiers sur ce bureau. »

Ouverture sur un shérif, soixante-dix ans passés, à la veille de sa retraite, un shérif qui en a vu beaucoup, mais qui est bien déterminé à vite partir à la retraite, un chantage auprès de la serveuse en face pour une gâterie, le reste de la journée tranquille et la retraite sous 24 heures. Mais la découverte du corps de Burt Haudesert et la disparition de sa fille et de son employé, Gale G’Wain, vont en fait le pousser à revoir son programme. Tout désigne Gale comme coupable potentiel, entre les flirts avec Gwen, la fille de Burt, son passé d’orphelin et l’accusation plus qu’insistante de la femme de Burt. Une chasse à l’homme démarre, le retrouver et surtout tenter de sauver Gwen qui a pris la fuite ? A-t-elle été entrainée de force ?
Il est à noter que dans le Wyoming des années soixante-dix la police n’est pas la seule à essayer de faire la loi, et des groupes de fermiers nourris à l’endoctrinement des années Nixon et au pamphlet plus que nauséabond de la John Birch Society , groupuscule dont Burt et ses fils font partie, sont très certainement déjà sur les traces de Gale pour faire justice et venger Burt !
Dans ces grands espaces du Wyoming, en pleine tempête un jeu dangereux se met en place, des pions se positionnent, mais également certains secrets refont surface.

« « Trace un X entre ses yeux et ses oreilles, et vie au milieu. »
Il m’a montré comment faire avec un crayon gras.
Boum !
La truie est restée là, hébétée, la moitié de son cerveau en bouillie. Elle à cligné des yeux. Est tombée à genoux, a soupiré. »

« Une contrée paisible et froide » est le premier roman de Clayton Lindemuth, aux États-Unis deux autres ont été publiés et un troisième texte est disponible gratuitement sur son site. Sorte de polar/ noir sociétal, l’auteur dépeint une époque avec intelligence et offre une vision froide et sans espoir d’une Amérique blanche à la dérive. Un peu moins noir que Donald Ray Pollock, et assez proche d’un Richard Ford dans le style, l’auteur alterne les points de vue et mélange délibérément la chronologie de l’histoire afin de créer un univers marqué par la nostalgie et le regret et donne une certaine profondeur à Gwen et Gale. Le Shérif est un modèle d’ambigüité aussi pervers qu’à cheval sur ses principes et presque tout droit sorti d’un roman de Cormac McCarthy.

Ce premier roman est un morceau de bravoure, c’est globalement un bon premier roman, marqué par un style et un univers qui donnent envie de découvrir les autres romans de l’auteur. En osant parsemer son roman de petites touches tantôt fantastiques (la musique de Gwen lors de morts imminentes, un peu comme Danny et son « Shining ») ou en dépeignant une époque fortement marquée par la peur du communisme et cette fameuse John Birch Society et son nouveau modèle social qui faisait fureur chez les blancs américains moyens et légèrement xénophobes, donne une grande touche d’originalité à son histoire. La traduction de Brice Mathieussent donne toute ses chances à cet auteur pour séduire les amateurs du genre. Préparez-vous à la traque, préparez-vous à être pris aux tripes, les tempêtes de neige dans le Wyoming ne nous ont jamais paru aussi cruelles !

contrée coverSeuil éditions,
Trad. Brice Mathieussent,
350 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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