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Larry Brown – Père et fils

Glen est un ex-taulard qui vient de purger sa peine de trois ans pour avoir renversé et tué un enfant alors qu’il roulait en état d’ébriété. Dans une petite bourgade du grand Mississippi, Glen rentre au pays, son frère comme chauffeur. Mais le cœur de Glen est plein de haine et de rancœur. Le décès de sa mère et le fait que son père Virgil ou encore son frère Puppy n’aient pas payé de pierre tombale ne passent pas. De vieux litiges avec un barman, un shérif et le père du gosse décédé n’aidant pas non plus. Mais voila, à peine quarante huit heures après sa libération, deux cadavres son découverts. Dans cette contrée paisible du Mississippi où rien ne pourra l’inculper, de vieux démons et de vieux secrets refont surface et hantent ces âmes en peine qui tentent de se construire.

« Alors il pleura en se balançant sur ses talons et en regardant les petites abeilles rayées de brun qui bourdonnaient à proximité, au-dessus du trèfle poussant çà et là. Au bout d’un moment, il s’arrêta de pleurer, essuya sur son visage les traces de larmes avec ses doigts et s’assit, durcissant son expression, la transformant de façon que son frère ne se rende pas compte qu’il avait pleuré. Il passa le portail et redescendit le sentier de gravier jusqu’à la voiture. »

Certainement le roman le plus « faulknerien » de Larry Brown. Un roman tout en contraste, lent et brutal, beau et violent, contemplatif et belliqueux. Un texte aussi poignant que grisant, des personnages aussi caricaturaux que pertinemment développés. A l’image du fleuve Mississippi qui se veut aussi calme d’aspect que violent et puissant quand on se jette dedans, cette contrée est peuplée de personnages aux passés ambigus ou peu reluisants, des acteurs d’une ville elle-même en décomposition, marquée par les restes de la ségrégation, comme des fantômes d’un passé qui cherchent à reprendre de la consistance dans le présent de Glen.
Car finalement, les meurtres deviennent très vite un prétexte pour nous présenter une palette de personnages, d’hommes et de femmes, vivant dans cette bourgade, encrassés dans un quotidien parfois lent et souvent morne, mais des hommes et des femmes avec un passé commun et de bon ou mauvais choix qui en ont découlé.

« Il allait ajouter qu’il était, désolé, et d’ailleurs c’était sans doute trop tard pour le dire. »

La force de Larry Brown réside dans sa finesse d’écriture et cette capacité à cerner le beau dans un trait de caractère d’un personnage ou dans la décomposition d’un paysage. D’une précision redoutable dans ses descriptions, il est capable en à peine quelques mots de nous livrer une ambiance, une couleur et une image vivace qui nous plonge dans son univers et nous rend accrocs à ces loosers magnifiques qui hantent son roman. Glen n’est pas totalement antipathique, Virgil n’est pas parfait mais ça reste un bon gars, Jewel est pleine de compassion et de patience mais n’est pas non plus masochiste, le shérif veut faire le bien autour de lui mais reste un homme avant tout. C’est cette réalité, cette analyse simple et efficace, tout en finesse, des ces personnages qui fait que « Père et fils » a, tout comme Joe, le truc en plus qui le démarque de la plupart des auteurs que l’on peut découvrir dans la grande famille des écrivains « Dirty realist »ou encore ceux catalogués « auteurs du Mississippi ».

Vous avez aimé « Joe », sa suite « Fay » vous a rendu accroc ? Vous n’avez pas encore lu « Père et fils » ? Ça tombe bien Gallmeister le ressort, dans une version à la traduction revue et corrigée, dans la collection Totem. Un roman noir, dense et contemplatif. Un roman qui transpire l’humanité et qui met à nu les qualités et les défaillances humaines. Puissant et redoutablement addictif, Larry Brown nous prouve encore avec ce livre, que depuis son décès personne n’a su le remplacer jusqu’à présent.

poche og1Gallmeister,
Collection Totem,
Trad. Pierre Ferragut,
410 pages,

Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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Un commentaire

  1. J’ai vraiment aimé “Joe”, alors…à lire

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