Richard Grey est un fameux cameraman. Faisant ses premières armes à la BBC, il est par la suite devenu free-lance et a sûrement couvert une bonne partie des conflits du globe. Apprécié par ses collègues pour sa sympathie, son professionnalisme et son œil, imparable pour capter les images les plus folles dans les situations les plus dangereuses.
Un soir Richard est la malheureuse victime collatérale d’un attentat à la voiture piégée, probablement commis par l’IRA (nous somme aux alentours de 1986).
Gravement blessé, après avoir été soigné en partie de ses traumatismes physiques, Richard part en maison de repos pour tenter de retrouver la dernière chose qui lui échappe : sa mémoire. L’attentat a déclenché chez lui une amnésie sur les quelques semaines précédant le choc. Dans ces conditions, lorsque Susan Kewley se présente à lui comme son ancienne petite amie, Richard ne la reconnaît pas. Pourtant la présente et le lien qu’il tisse avec la jeune femme vont le pousser à quitter la clinique et retourner à Londres pour creuser et retrouver ce qu’il a oublié.
Lectrice, lecteur, si tu aimes la surprise, le fantastique, l’étonnement, le dérangement et les « wahou » à toutes les pages, arrête-toi là et pitié, rue-toi dans la médiathèque ou la librairie la plus proche pour lire Le Glamour. Car dans ma tentative de mise en valeur de pourquoi c’est quand même un livre absolument fabuleux et incroyable, je ne garantis pas un spoiler, et puis de toute façon Le Glamour est un livre qu’il faudrait lire sans n’en rien savoir. Compris ? Allez, file !
Bon, pour ceux qui restent, reprenons.
De retour à Londres, Richard commence à remettre dans l’ordre certains éléments. Sa rencontre avec Susan lors d’un voyage en train dans le sud de la France, leur liaison et la présence planante puis envahissante de l’ancien amant de Susan, Niall.
Mais d’autres souvenirs viennent se mêler, contradictoires, perturbants : sa rencontre avec Susan à Londres, dans un pub, te des révélation sur son talent particulier, à elle et bien sûr Niall, l’amant invisible : le glamour.
Cette capacité incroyable permet à ses détenteurs de se rendre invisible, ou pour le moins imperceptible, inintéressant. Les gens vous éviterons dans la rue mais ne seront pas conscients de votre présence. Les possesseurs du glamour vivent à la marge, car d’une part rester visible est fatigant, et d’autre part leur communauté, exclue de par ce talent quelque peu inquiétant, se développe en parallèle, loin de la vie normale de la métropole anglaise affairée.
En plein dans les années Thatcher, la mise au ban de ce groupe de personnes marginales qui n’ont pas accès au système de santé, au monde du travail de manière normale et qui sont en permanence ignorées se place comme une image saisissante de la casse de la dame de fer.
Mais Priest, dans son grand talent (tu savais déjà que j’étais une groupie de Priest, n’ai pas l’air surpris!) ne s’arrête pas à un état des lieux social et politique. Il va bien sûr dans ses obsessions, et nous propose à nouveau un magnifique roman qui nous perd dans les questions de perception, de réalité, de personnalité. Les personnages que nous suivons, Richard, Susan, Niall, sont-ils vraiment ce que nous pensons ? Se mêlent-ils ? Existent-ils ? Le tout avec pour écrin sur superbe histoire d’amour dont la complexité sentimentale n’a d’égal que la passion qui les lien.
Le glamour du titre n’a rien à voir avec son sens français, mais vient d’un vieux mot écossais, glammer, qui désigne un sort utilisé pour dissimuler son aimé ou son aimée aux yeux des autres prétendants.
Datant de 1986 mais retravaillé pour sa ressortie en 2005, Le Glamour peut même trouver une nouvelle lecture dans notre société moderne qui court après l’apparence et la visibilité, faute d’autre chose.
Une petite merveille donc, un grand Priest, qui ne fait que confirmer que depuis longtemps déjà, l’auteur britannique est l’une des pierres de la littérature moderne.
Folio SF, Denoël Lune d’encre
Traduit de l’anglais par Michelle Charrier
409 pages
Marcelline