Le soleil se lève sur une journée bien ordinaire à Jubilation County. Charlie, jeune guichetier dans une banque, débute sa tâche quotidienne au côté de sa responsable. C’est une matinée plutôt calme et rien ne laisse présager les évènements à venir. Alors lorsque Hobe Hicklin, ex-taulard et aryen chevronné, décide de braquer la banque dans laquelle Charlie travaille, cette vie tranquille bascule dans le noir. Si le braquage est impeccable, Hicklin n’avait pas prévu de faire de Charlie un otage… et pourtant, celui-ci se retrouve bien vite pieds et mains liés dans une planque lugubre.
Complètement terrifié, Charlie découvre la violence d’un monde défoncé. Épuisé, désorienté, abusé, il tentera bien quelques fois d’échapper au cauchemar, en vain. Hicklin est vif, malin, pas le genre de type facile à berner. Son plan il a bien eu le temps de le penser, même si ce dernier incluait de duper sa propre fraternité, qui n’est de fait, pas contente du tout. Recherché par de vrais fanatiques dont Le Prédicateur, Hicklin se terre et doute, pourquoi avoir garder le jeune guichetier en vie ? Qu’y a t-il en lui qui semble le troubler ?
C’est furieusement noir, glauque, trash. Peter Farris enchaîne les plans désolés et malmène férocement ses personnages et personne n’en sort indemne, surtout par le lecteur. Il assiste à des scènes de torture, de viol, de meurtre à répétition, sans pouvoir broncher, devenant ainsi au choix victime ou témoin. Et il a beau être sonné, horrifié, il demeure enveloppé dans cet état d’ivresse provoqué par la langue frénétique de l’auteur. Le récit ne laisse pas une seconde de répit aux protagonistes, il est haletant, si bondissant qu’on en aurait volontiers le tournis. Trois cent pages, c’est court et dense pour entrer dans une telle profondeur humaine, pour décortiquer les « types » qui font l’histoire. Peter Farris nous entraine dans ce tourbillon d’émotions, de sentiments et nous fait aimer des mecs haïssables, car ils ne sont jamais seulement de méchantes bêtes mais des hommes avant tout. C’est de la violence à l’état pure, encrée d’humanité.
J’éviterai soigneusement de dévoiler la richesse réelle de l’intrigue qui demeurera pour vous, comme elle le fut pour moi, une vraie surprise. Mais bon dieu, cette intrigue ! Du génie à chaque page tournée ! Peter Farris est un funambule, ne frôlant jamais le cliché ou la violence gratuite, il réussit la prouesse de ne pas basculer dans le too-much. Tout y semble parfaitement juste et justifié. Chapeau l’artiste ! Dernier appel pour les vivants c’est un roman noir, un condensé des plus belles qualités du genre et un impact fou lorsque l’on referme le livre. A lire d’un seul souffle et de toute urgence.
Gallmeister
Trad. Anatole Pons
322 pages