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Dinaw Mengestu – Tous nos noms

Dans Tous nos noms, Dinaw Mengestu parle de guerre civile, d’exil et d’amitié, de révolution, de déracinement et d’amour, mais avec un “je ne sais quoi” de “pas comme les autres”. On pense s’embarquer dans une “simple” histoire d’immigration et de cœur mais méfiez vous des apparences. Dinaw Mengestu cache bien son jeu et vous surprendra. Tout ce qui peut paraître anodin est en fait d’une grande subtilité. Son écriture nous emmène bien au-delà de l’histoire qu’il raconte. Il connaît la puissance des mots, mais aussi des non-dits, et il s’en sert avec tact.

“Ne pas dénoncer un crime contre la nation est un crime contre la nation”
“Ne pas savoir ce qu’est un crime contre la nation est un crime contre la nation”
“Demander ce qu’est un crime contre la nation est un crime contre la nation”
“Penser ou affirmer qu’il y a trop de crimes contre la nation est un crime contre la nation”
“Lire ce tract est un crime contre la nation

C’est ainsi qu’Isaac et son ami signent leur premier acte de révolte contre la dictature qui règne en Ouganda : avec du papier et des marqueurs.

Kampala, capitale de l’Ouganda, c’est là que bat le cœur de la révolution et qu’Isaac rencontre, sur le site universitaire, celui qu’il surnomme, entre autre, le Professeur. Ni étudiants, ni riches, ils ne représentent rien pour les autres et passeraient totalement inaperçus si Isaac ne faisait pas des pieds et des mains pour attirer l’attention. Persévérant, serein et souriant, il est bien décidé à lutter contre la dictature et faire parler de lui.
Aussi pauvre que téméraire, il devient bientôt incontournable sur le campus et dans les conversations. Sous son air innocent qui ne doute de rien et son calme provocateur, il rassemble de plus en plus de monde dans sa lutte pacifique et commence à déranger les autorités du pays.

Plus on avance dans l’histoire et plus Isaac est insaisissable, plus le mystère l’enveloppe. Ses ressources et la finalité de ses agissements nous intriguent autant que son ami, qui le voit toujours revenir avec de nouvelles idées. Sauf que depuis leur “révolution de papier”, bien des choses ont changé, et c’est avec les armes qu’Isaac lutte à présent.

Tous au long du roman, le récit d’Isaac alterne avec celui d’Helen, l’assistante sociale chargée de l’accueillir aux États-Unis.

Quand Isaac arrive dans le Midwest, il n’est qu’un dossier vide. Et il le reste du mieux qu’il peut. Helen a peu d’informations sur lui : un nom, une date de naissance, le motif de son voyage (un échange universitaire). C’est un jeune homme lisse et mystérieux qui s’exprime comme Dickens. Et c’est de lui qu’Helen tombe amoureuse, bien qu’il soit un rempart imprenable sur lequel on ne peut s’accrocher. Il ne laisse rien transparaître, ni ses pensées, ni son passé. Il nous échappe autant qu’à Helen, que le doute et l’idée d’un avenir commun commencent à effleurer malgré les nombreuses barrières dressées sur leur chemin.

Isaac et Helen racontent donc tour à tour une amitié mise à mal par la révolution armée en Ouganda et un amour mis à l’épreuve par une société américaine encore tiraillée dans sa lutte pour les droits civiques. Dinaw Mengestu, lui, signe (encore) un très beau roman qui ne manque pas d’humour et de traits d’esprit malgré la gravité des sujets abordés.

Tous nos noms D. Mengestuéd. Albin Michel, 2015
315 pages
trad. Michèle Albaret-Maatsch

Pauline

À propos Pauline

Chroniqueuse

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