Premier roman de Marion Guillot, Changer d’air est une bouffée d’air frais. Entre Je m’en vais d’Echenoz et La Nausée de Sartre, on suit le basculement du narrateur, qui découvre son monde sous un jour nouveau, acéré et indolore à la fois.
Rentrée scolaire. Paul, professeur de lettres à Lorient, prend un café sur le port avant de rejoindre le lycée. Une femme trébuche et tombe à l’eau. Paul est chamboulé. C’est le début d’une nouvelle journée pour lui. Il n’ira pas travailler, quittera sa femme et leurs deux enfants. Pourquoi ? Pour changer d’air.
Paul est maintenant à Nantes. Installé dans un petit appartement moderne, qu’il partage avec Henri, son poisson. Henri meurt. Paul panique. Y voit un signe de sa médiocrité. De son incapacité à changer réellement d’air. Essayant d’écrire, essayant parfois de se sociabiliser, essayant de vivre seul. Fuyant ce qu’il a connu. Fuyant ce qu’il ne connaît pas.
« De façon générale, j’étais incapable de prévoir, n’en éprouvais pas le besoin, me contentant, sans m’en plaindre jamais, de cette existence heureuse car ignorante d’elle-même, noyée dans ses détails et ses instantanéités. »
Marion Guillot nous entraine dans le récit de Paul, toujours à ses côtés, comme il emmène son poisson en ballade dans les quartiers de Nantes. On trace avec lui les déplacements quotidiens au sein de la gare. On observe la cathédrale du velux. On effleure la fragilité du protagoniste, on constate sa détermination à rencontrer le nouveau, on ressent son désarroi. Banalité sublimée, calme névrosé et voyage immobile font de ce roman, un roman singulier. L’identité des Editions de Minuit s’y retrouve à chaque page, à chaque point. Changer d’air nous interroge quant à notre approche du quotidien, sur nos angoisses d’insécurité et notre capacité d’indifférence. Changer d’air nous enlève à notre vie l’espace d’un instant.
Editions de Minuit,
176 pages,
Aurore.