Les machines à désir infernales du Dr.Hoffman est le cinquième roman d’Angela Carter, jamais publié en France jusqu’à ce jour. Ecrit après sa séparation avec son premier mari et un long séjour au Japon, Le roman a été appelé par la critique « fiction théorique » – Theoritical Fiction -, le texte aborde certaines des questions théoriques de son temps, notamment le féminisme, les médias et la contre-culture. Lorgnant entre le Réalisme magique et le postmodernisme, empruntant quelques touches de roman gothique et utilisant les codes et la structure d’un roman Picaresque, nous sommes face à une œuvre totalement audacieuse.
« Les hallucinations submergèrent les cerveaux à une vitesse magique. L’état d’urgence fut déclaré. Une réunion spéciale du cabinet eut lieu à bord d’un petit bateau sur une mer si houleuse que la plupart des ministres vomirent pendant son déroulement et que le chancelier de l’Echiquier passa par-dessus bord. Le Ministre osa mettre le pied sur la surface et, marchant sur l’eau, il récupéra son supérieur sans même se mouiller – Il n’y avait en réalité pas la moindre goutte d’eau ; après cela, le cabinet lui donna toute autorité pour faire face à la situation et, bientôt, il dirigea la ville pratiquement seul. »
Dans une ville d’Amérique du sud, le jeune Desiderio, est de milieu modeste et d’origine indienne par sa mère et de père inconnu. Après la mort de sa mère, notre jeune héro, est embrigadé par le bief des nonnes, dans une agence gouvernementale et de fil en aiguille devient assistant du ministre. Mais dans cette ville, le terrible et inquiétant Dr. Hoffman sévit et avec sa terrible invention terrifie la population. Une machine capable d’altérer la réalité et faire perdre toute notion d’espace et de temps à ses victimes. Une ville assiégée par la peur et le combat de titan que se livrent le Ministre et le Dr. Hoffman. Desiderio grâce à ses origines indiennes n’est pas sensible à ces illusions, et se retrouve mandaté par le ministre pour retrouver le maire et par la même occasion éliminer le docteur Hoffman afin de mettre de l’ordre dans toute cette histoire.
« Il était une fois un jeune homme du nom de Desiderio qui partit en voyage et ut bientôt complètement perdu. Quand il pensa avoir atteint sa destination, celle-ci s »avéra n’être que le point de départ d’un autre voyage infiniment plus dangereux que le premier. »
Raconté à la première personne par Desiderio, du commencement jusqu’à la fin comme il le fait remarquer, c’est une histoire totalement picaresque qui nous attends, dans ce roman d’aventures aux rebondissements souvent improbables et aux rencontres incroyables, le lecteur se retrouve plongé dans un roman qui altère toute notion de réalité aussi subtilement qu’intelligemment. Dans ce texte à l’écriture raffinée, Angela Carter se joue du lecteur, et on est en droit de se demander si finalement le Dr. Hoffman n’est pas une allégorie du rapport entre l’auteur (de fiction ou même le journaliste) et ses lecteurs.
Un texte beau, dense et intelligent, un inédit qu’il est bon de découvrir en 2016 grâce à la maison d’éditions de l’Ogre. Le travail de traduction de Maxime Berrée est remarquable, et l’immersion est totale.
Editions de l’Ogre,
Trad. Maxime Berrée,
355 pages,
Ted.