Une puissance d’évocation et un univers rare, un auteur qui emploie avec beaucoup de parcimonie le fantastique, une poésie à fleur de peau, rappelant l’importance de l’échange, de la langue, des mots et du partage. A travers neuf nouvelles, Stéphane Padovani explore les terres lointaines où les âmes ont souvent tendance à s’égarer.
« J’ai respiré. J’ai ouvert la bouche pour appeler l’air, pour récupérer mon âme. Ça à fait un drôle de bruit: arrhhh… Ou anhhh… Je ne sais plus. Mais je n’en ai retrouvé qu’une partie. Peut-être qu’en écrivant, je retrouverai l’autre. »
Situant ses histoires dans une Europe contemporaine flirtant souvent avec notre réalité, « Le bleu du ciel est déjà en eux » plonge le lecteur dans une sorte de quête onirique. Que ce soit un traducteur à la recherche de ce qu’il a perdu depuis qu’il a changé de pays ou bien une femme qui croit reconnaître son frère dans un visage de sans abri interviewé à la tv, ces univers nous parlent, nous les connaissons, les ressentons, les goutons, mais un décalage s’opère progressivement pour basculer dans un monde plus éthéré ou l’absence, souvent, se matérialise sous nos yeux.
« Le rêve est ce qui donne aux hommes la meilleur intuition de ce que cette dimension parallèle peut être… à la lumière des recherches les plus récentes en astrophysique, qui relativisent le temps dans l’espace et interrogent topologiquement la forme de l’univers, voire se demandent s’il n’y en a pas plusieurs, la cosmologie aborigène semble lancer comme un défi à notre quête ».
Neuf nouvelles, neuf personnages, neuf univers, pour plonger des tréfonds de l’âme vers une reconstruction ; d’ailleurs « Occuper »- qui raconte la rencontre entre Juliette et l’appartement de Katryn Hartvig, payée pour l’occuper, pour le maintenir rangé pendant son absence. Elle, occupante qui est curieuse avec un trousseau de clés – 4 clés mais 3 seulement fonctionnent-, cet appartement et la mémoire du défunt fils de Katryn. Juliette qui va se retrouver dans le monde d’une autre et va se découvrir à travers les échanges avec le fantôme du fils de Katryn – est un modèle du genre, d’une grande finesse, et d’une beauté glaçante qui happe le lecteur.
« Le jour de ma sortie, dès l’accueil, de l’autre côté des portes vitrées, dans la rue, j’apercevais déjà le Tabac. J’ai traversé et j’ai attaqué au pastis. Je me dégoûtais mais je ne me suis jamais senti aussi heureux. J’avais quarante-six ans. Ensuite ma femme et me filles m’ont quitté définitivement. Si vous demandez aujourd’hui pourquoi je buvais, je n’ai aucune réponse. Peut-être que j’ai su un jour. Je ne sais plus. »
Le bleu du ciel est déjà en eux, est le sixième livre de Stéphane Padovani, et le troisième publié chez Quidam, Son précédent « L’autre vie de Valérie Straub » reçut le prix des lycéens et apprentis d’Ile-de-France 2012-2013. Son recueil aux thèmes riches et puissants, empreint de poésie et marqué par l’absence, est d’une maitrise impressionnante et prouve, s’il en était encore besoin, que l’univers de Stéphane Padovani mérite toute votre attention, neuf nouvelles dans un petit recueil pour vous convaincre, c’est tentant non ?
Quidam éditions,
136 pages,
Ted.