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Picnic At Hanging Rock – Joan Lindsay

Picnic at Hanging Rock (Pique-Nique à Hanging en français) est un roman écrit par Joan Lindsay et publié en 1967.

Picnic at Hanging Rock est le roman gothique australien. Il se base sur toutes les peurs tapies sous les images idylliques de l’Australie et inspire encore les romans gothiques australiens aujourd’hui.

Exceptionnellement vous n’aurez pas besoin de kit de survie. En revanche, ce roman est dans le kit de survie de tous les romans gothiques australiens. Vous connaissez à peu près l’Australie ? Vous êtes prêts.

L’histoire se résume ainsi : le jour de la Saint-Valentin, le 14 Février 1900, un groupe d’élèves d’une école privée pour jeunes filles, accompagné par deux gouvernantes, part en pique-nique à Hanging Rock. Quatre jeunes filles décident de partir explorer le fameux monolithe (Hanging Rock)  après le déjeuner. De ces quatre jeunes filles, seulement une redescendra d’Hanging Rock, en courant, en pleurant, dans une sorte de crise hystérique. Les trois autres jeunes filles ont disparu, ainsi qu’une des gouvernantes, que personne n’a vu partir mais a subitement disparu.

Voici le mystère central. Cependant, tout cela se déroule pendant les cinquante premières pages du roman. Le reste de l’intrigue est dédié au sort des personnages qui sont laissés derrière. La police organise des battues pour retrouver les jeunes filles et la gouvernante mais sans succès. Les jours passent et l’enquête tourne en rond pour une seule raison : il n’y a aucune preuve. Aucune trace du passage des jeunes filles et de la gouvernante nulle part, aucune marque de violence, de meurtre, de fuite. Rien.

La seule fille qui est revenue ne se souvient de rien.

Rien. Sauf les quatre personnes disparues.

Picnic at Hanging Rock est écrit comme un roman policier mais ce cadre familier est utilisé pour montrer au lecteur toute l’angoisse qui peut se révéler à partir du moment où le genre marche à vide, sans preuve, sans témoignage, sans indice. On y retrouve des lieux communs du roman policier comme des extraits de journaux, des interrogatoires, des témoignages, des battues, un enquêteur, mais ils se retrouvent tous démunis face à mystère complètement opaque. L’un des moments les plus terrifiants, selon votre humble narratrice, est pendant ce tranquille après-midi, au bord d’un lac, où un des personnages avoue à un autre que ce genre d’affaire où on ne retrouve aucune trace des personnes disparues est en réalité très fréquent.

Ici, on touche au coeur de l’horreur selon les auteurs australiens blancs (les auteurs Aborigènes ont d’autres thématiques mais ce sera une histoire pour une autre fois) C’est la peur de partir dans ce qu’ils appellent le ”Bush” (et qu’on pourrait appeler la brousse) et d’y disparaitre. On peut retrouver cette peur dans tous les romans gothiques ou dans tous les romans traitant de l’horreur en Australie. Ce qui se passe dans le Bush est toujours une source de terreur. Certains auteurs, comme Peter M. Ball (qui a écrit Horn, que votre humble narratrice a chroniqué il y a quelques temps) a émis l’hypothèse que cette terreur du Bush vient des colons et des premiers forçats qui, de leur Angleterre (ou Irlande ou Ecosse) natale, se voient transportés dans un paysage complètement différent et se retrouvent terrifiés par cette nouvelle terre à l’autre bout du monde. C’est cette terreur qu’on retrouve notamment dans Picnic at Hanging Rock que beaucoup, beaucoup d’auteurs australiens modernes citent quand ils parlent du genre de l’horreur australienne.

Reprenons depuis le début : les premières pages sont dignes de ces romans que vous lisiez probablement quand vous étiez petits, ces romans où des jeunes gens, souvent des écoliers vivent des aventures formidables et se débrouillent dans la nature grâce à leurs connaissances de scouts… Le roman commence par les jeunes filles de cette école privée, Appleyard (où il n’y a d’ailleurs pas de pommes), posée au beau milieu de nulle part, qui se préparent pour aller en pique-nique le jour de la Saint-Valentin. Dès le début Joan Lindsay pose ce contraste entre l’éducation que reçoivent ces jeunes filles : elles apprennent le Français (supposé très chic à l’époque), la danse et elles doivent tout le temps porter des corsets et des gants et leur environnement : le Bush avec sa chaleur intense. C’est un contraste que vous apprécierez d’autant plus si, comme votre humble narratrice, vous avez grandi dans un environnement similaire où vous pouviez quitter votre cours sur la littérature française du XIXième siècle, traverser la route, manger sur la plage et rentrer à temps pour votre cours de latin. Ce genre de contraste.

Malgré les efforts de la directrice, Mrs Appleyard (au passé obscur) le paysage australien se rappelle à ces jeunes filles et à leurs gouvernantes en avalant les quatre disparues. Malgré une éducation qu’on pourrait qualifier d’anglaise voire d’européenne, l’Australie ne peut pas être oubliée et ne peut pas être refoulée.

Votre humble narratrice ne peut s’empêcher de penser à Sa Majesté des Mouches, le roman de William Golding, où plusieurs jeunes britanniques se retrouvent échoués sur une île déserte et leur stricte éducation britannique ne les empêche pas de sombrer dans la folie et dans l’horreur. La fin de Picnic at Hanging Rock n’est pas aussi violente mais n’est pas totalement différente.

Un détail cependant auquel votre humble narratrice ne s’attendait pas : ce roman, malgré ses horreurs et ses angoisses, est incroyablement drôle, surtout au début. Digne descendant du ”wit” anglais, retourné contre son ”maître”, le début de Picnic at Hanging Rock vous fera rire plusieurs fois tout seul devant votre livre.

Le désir colonial de garder une forme de l’Angleterre sur une terre tout fait différente est également montrée dans les familles anglaises qui vivent autour d’Appleyard : on peut voir ces familles boire du thé et porter des chapeaux haut de forme sous une chaleur écrasante et ”God Save The Queen” est joué lors de leurs garden parties. Le symbole le plus absurde est la roseraie du Colonel Fitzhubert : le jeune australien Albert critique cette roseraie car elle est inutile et consomme beaucoup d’eau, or la rose est un des symboles de l’Angleterre. Cet attachement aveugle à une terre à l’autre bout du monde (du point de vue de l’Australie) est montré comme absurde. Au contraire, le jeune anglais, Michael, s’intègre lentement mais parfaitement à l’Australie.

Une des jeunes filles disparues, la jolie Miranda comparée à un tableau de Botticelli, est décrite comme la jeune australienne idéale. Un des topos du genre gothique est de symboliser la nation par le corps d’une femme. Le fait que Miranda disparaisse est d’autant plus intriguant et inquiétant qu’elle disparait sans laisser de traces.

Il y a un détail qui fait de ce roman une lecture aussi unique qu’elle est inquiétante, c’est cette absence de limite bien définie entre les faits et la fiction. L’histoire de Picnic at Hanging Rock est vraisemblable. Elle a pu se passer quelque part en Australie. Il est possible que des évènements similaires se soient déroulés. Juste après le dramatis personae, très étonnant pour un roman, l’auteur ajoute une note pour préciser que c’est au lecteur de départager faits et fiction et, qu’au final, s’il s’agit de fait ou de fiction, ce n’est pas très important. Sur ce, l’auteur commence le roman qui va vous entraîner sans vous lâcher jusqu’à la fin.

La fin qui est donnée dès la quatrième de couverture et qui vous révèle que l’affaire ne sera jamais résolue et les jeunes filles jamais retrouvées. Vous pouvez lire le chapitre ”excisé” de Joan Lindsay, ”The Secret of Hanging Rock” (Le secret d’Hanging Rock) qui résout le mystère… de façon encore plus mystérieuse.

En 1975, le réalisateur australien Peter Weir a adapté ce roman au cinéma et il s’agit probablement de la meilleure adaptation que votre humble narratrice ait jamais vue. Elle vous conseille donc fortement de regarder aussi le film du même nom.

Picnic at hanging rock

édition Vintage 

210 pages

Anne-Victoire

À propos Anne-Victoire

Chroniqueuse

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