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Carrie Snyder – Invisible sous la lumière

Entre exploits sportifs, quête d’indépendance et non-dits qui pèsent sur la conscience, la vie d’Aganetha Smart n’a pas été de tout repos. À travers elle, Carrie Snyder retranscrit le destin d’une athlète mais avant tout celui d’une femme au début du X Xe siècle.

Petite dernière d’une grande fratrie recomposée aujourd’hui disparue, elle vit perdue dans ses souvenirs afin de fuir un quotidien à l’odeur rance et aux conversations dénuées d’intérêt quand elles ne sont pas à sens unique.

Quand deux inconnus viennent la sortir de la maison de retraite où elle est censée finir ses jours, dans le but de réaliser un documentaire sur sa carrière, elle reste sur la réserve : elle n’a jamais aimé se retourner sur son passé et ne peut s’empêcher de douter des véritables motivations qui animent ces jeunes gens. C’est donc malgré elle mais pas sans un certain amusement qu’elle se laisse emmener sur les lieux de son enfance.

Cette escapade vient jeter le trouble dans son esprit déjà confus où passé et présent s’enchevêtre. Et c’est dans un certain désordre qu’elle retrace sa vie, redonnant vie aux morts, remuant les secrets de famille et ravivant la passion de la course qui l’a longtemps animé.

1928, Jeux Olympiques d’Amsterdam, pour la première fois, certaines épreuves d’athlétisme jusque-là réservées aux hommes sont accessibles aux femmes. Si peu d’entre nous le savent, Aganetha s’en souvient bien, elle y était et y a connu la gloire, marquant ainsi le sport féminin de son empreinte. Pourtant, rien ne la prédestinait au sport de haut niveau, elle courait par passion, par besoin ; pas pour la compétition et surtout pas pour battre Glad.

La sublime Glad, qui devient à la fois son amie et sa rivale, et qui, dans l’ambiguïté de leur relation, la freine et la pousse à se surpasser en même temps. Aganetha n’avait pas l’étoffe d’une championne, encore moins le mental. Bien qu’elle se soit prêtée de bon gré au jeu de la célébrité, elle a refusé de s’y laissé enfermer. Car, que reste t-il d’une icône vidée de sa substance ? Le statut de sportive n’était pas toujours facile à assumer à cette époque, celui de championne encore moins. Mais pour rien au monde Aganetha ne se serait contrainte à sa seule condition de femme, prédestinée au mariage et à la maternité.

Elle préférait regarder devant elle, mais sans jamais se projeter dans un avenir trop lointain. Elle a vécue sa vie comme elle venait, en suivant ses instincts, en restant elle-même, avide de liberté, étonnée par ses succès et meurtrie par certains retournements de situation : des morceaux de vie invisibles sous la lumière aveuglante des projecteurs.

Invisible sous la lumière Carrie Snyderéd. Gallimard, 2016
352 pages
traduit de l’anglais (Canada) par Karine Lalechère

Pauline

À propos Pauline

Chroniqueuse

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Un commentaire

  1. On n’a pas assez parlé de ce roman, je trouve.

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