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Jean-Noël Sciarini – Nous étions des passe-muraille

Jean-Noël Sciarini met de la poésie dans le cœur des ado, sur leurs douleurs et leurs espoirs, et fait ainsi ressortir l’intensité démultipliée des émotions qui les traversent. À travers Jean et Sarah, il parle de l’adolescence et de ses contradictions, de ce sentiment d’impuissance ou de toute puissance qui les submerge parfois, de leur grand sens de désorientation au moment où ils cherchent leur voie, de cet espèce de décalage avec la réalité, de cette vision du monde déformée par les joies et les souffrances qui les submergent.

«Je n’ai que dix-sept ans et je t’aime, Sarah. Et je n’en ai rien à faire qu’ils disent qu’on ne sait pas aimer à dix-sept ans. C’est à dix-sept ans qu’on sait. Et on passe le reste de sa vie à essayer de l’oublier.»

Jean, un grand costaud qui dépareille au milieu des jeunes de son âge, n’a d’yeux que pour Sarah, une rêveuse qui vit dans l’univers enchanté des livres, respirant et vibrant à travers les mots et les histoires qui emplissent sa tête. Ensemble, ils refont le monde. Enfin, ça c’était avant. Avant que l’angoisse de vivre ne la submerge. Avant que ses maux ne la rongent de l’intérieur. Avant qu’elle s’efface silencieusement de la surface de la terre.

Quand Jean s’en rend compte, il est déjà trop tard. Sarah, hospitalisée, a disparue de son quotidien. Il se retrouve seul et impuissant face à la maladie de Sarah. Incompréhension, colère, amour, désarroi, tout se mélange en lui. Il refuse de céder aux jugements de ses camarades, il ne la laissera pas tomber sous prétexte qu’elle détone dans le monde qui l’entoure.

«Sarah a eu cette chance que je n’ai pas, pouvoir excuser sa différence par sa beauté, la faire oublier par sa légèreté. Mais, quand sa minceur a dépassé les diktats en vigueur pour devenir celle des malades à interner, personne ne lui a plus rien pardonné. Ce qu’on disait discrétion est devenu prétention, ce qu’on appelait enfance de l’art est devenu perversité, stigmate de folie.»

Alors, il décide de la sauver. De l’arracher aux mains des médecins et de ses parents, qui n’ont rien compris. Il va l’emmener à Berlin, lui, là où son histoire a commencé, là où, pense t-il, se trouvent les solutions à son problème.

Jean incarne la grandeur des rêves de l’adolescence, ceux qui prennent l’ascendant sur la réalité. Il cherche la liberté dans la fugue, pense pouvoir laisser la maladie derrière eux en fuyant, mais ça n’est pas si simple.

«(…) sans les rêves, la réalité n’existe pas, ne peut pas exister, et, si tu rêves encore, c’est que tu existes encore.»

Jean-Noël Sciarini aborde le sujet de l’anorexie mentale avec beaucoup de tact. Il n’essaye pas de décortiquer le parcours de Sarah, n’emprunte pas les raccourcis habituels, ne répond pas vraiment aux pourquoi et aux comment (même si Jean aimerait bien comprendre, lui, pourquoi et comment Sarah en est arrivé là) et fait ainsi ressortir la complexité de la maladie qui habite Sarah et l’emprise qu’elle a sur ceux qu’elle touche.

«Adolescent, on rêve d’histoires sans fin, adulte, d’un fin sans histoire»

À propos Pauline

Chroniqueuse

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