Au bras des Editions Le Berbolgru Madame se pavane, dans sa jaquette claire-obscure. Pour la sixième fois, elle est clinquante, grande dame au port de tête altier, au regard de reine et à la langue vénéneuse.
Car ne vous fiez pas aux apparences, sous ses airs clinquants et si soignés se cachent bien des vices, mis en forme par un panel d’artistes triés sur le volet pour parer de leurs plus viscérales oeuvres la gorge de Madame. Parmis ces 36 indépendants nous retrouvons Brecht Evens qui l’habille de son aquarelle ensorcelante, Léa Magnien de ses clichés chamaniques, Paul Rentler de ses collages Pop-Art ou encore R.Crumbs, le grand, l’unique, qui farde de ses rêves les pâles joues de cette grande Amie.
Aucun média 2D n’est mis à l’écart entre ses pages; photographies, peintures, nouvelles, poèmes, extraits de carnets, chaque artiste invité a choisi son support de prédilections afin de cracher sa déliquescence, son cynisme et sa prose torturée. Puissamment sombre et éclectique, ce 6ème tome édité par la petite maison d’édition indépendante Le Berbolgru est un véritable kaléidoscope qui jongle entre les états-d’âmes et les émotions les plus francs et profonds, de manière parfois délicate et parfois très crue. Madame manie en effet un éventail d’artistes affranchis issus de tout bord, qui se complètent par leurs différences de parcours et de styles, par leurs visions du monde contemporain et du sens de la vie.
“Trane et Miles:
Les seigneurs sont de sortie ce soir
Drapés de leurs oripeaux
Ils frôlent la nuit
Comme le font les chats sauvages
(…)
Le tambour est primal
Afrique et poings liés
Au-devant
Désormais les murs éclatent”
Christophe Sièbert se met à nu, entre les lignes de ses trois nouvelles glauques et violentes, entrant dans la danse aux côtés de la partie de Ping-Pong picturale entre Martes Bathori et Lila Neutre, mêlant couleurs acides et traits dédoublés de créatures perverses et clichés de personnes exubérantes gravitant dans le monde de la nuit… C’est un véritable spectacle digne d’un cabaret interdit, où les vices sont exposés sans honte, où la pudeur et le questionnement du sois sont omniprésents de manière brusque. Les monstres sont de sortie, avec leur beauté dérangeante.
Le Berbolgru nous permet de découvrir ces talents dans cette revue, condensée de tripes qui illustre la décadence de ce siècle dernier. Cette étrange maison d’édition a commencé sous forme d’un fanzine lancé par trois amis surement un peu en dissonance avec tout ce qu’on peut trouver d’habituel et de politiquement correct, puis a grandi peu-à-peu pour publier enfin le premier numéro de Madame il y a une dizaine d’années. Au fil du temps celle-ci s’est vue vêtue et dévêtue par des artistes de plus en plus pointus venant compléter son visage de caméléon, ses apparats aux multiformes graphiques.
Vous êtes prévenus, cette dame là possède une séduction vénéneuse qui ne laisse pas intacte, car Madame est chic bien sûr, mais aussi un peu dépravée. Tout cela de la manière la plus succulente qui soit.
“Madame 6. Textes éclectique et images chatoyantes.
Madame est une revue.
Madame est une meneuse de revue.
Madame est un grand cabaret plein de pages.”
Ce petit diamant brut de revue peut s’obtenir par correspondance en contactant Tristan Séré de Rivières, l’un des fondateurs de Madame, qui parsème également de ses poèmes la toilette de l’Aristocrate décadente. Tous les renseignements ici .
Editions Le Berbolgru
203 pages
Caroline