On est habitués aux manga noir et blanc, à leur format poche et à la mise en page traditionnelle habillée de tramages. Oubliez tout ça, Takayo Akiyama décide de bouleverser les codes de la bande-dessinée nippone avec deux héroïnes totalement barrées: Daisy et Violet, dont les péripéties semblent marquées par le sceau du n’importe quoi et du trip sous LSD.
Illustratrice, graphiste et créatrice de design textile, cette japonaise prolifique et touche-à-tout vivant en Angleterre mêle avec talent les références punk colorées anglo-saxonnes et gothic-kawaii nippones dans cette série en deux tomes d’un pep’s à toute épreuve.
Soeurs siamoises et pianistes passionnées, Daisy et Violet mettent l’ambiance toutes les nuits au pub du Nez-qui-Saigne, passant des soirées endiablées en compagnie de l’araignée rasta et du couple attachant de Pete le Calamar et Johny la pieuvre. Enquillant les verres, elles sont souvent bourrées au bout de quelques heures et partent alors dans un spectacle totalement fou, ne se contrôlant plus ni l’une ni l’autre et entrainant tout ce joyeux monde dans leur danse délirante. Elles mettent le feu à la salle, échauffent les esprits et entrainent chaque créature de cette ville bien étrange dans une danse digne d’un Sabbat. Une soirée normale pour les Siamese Twins et leurs acolytes.
Mais voilà que Daisy tombe raide amoureuse de Yeti, amas de poils taciturne qui semble peu enclin à se mettre en couple et protégé par son fidèle Miniti qui devient carrément hargneux quand on touche à son maitre! Cependant notre siamoise têtue comme une mule commence à inventer des plans plus biscornus et machiavéliques les uns que les autres pour parvenir à mettre l’élu velu de son coeur entre ses draps, au grand désespoir de Violet qui semble être la moins allumée des deux et qui est plus allergique à la pilosité du coup de coeur de sa soeur qu’attirée par le soyeux de son touché.
On pourrait croire que leurs aventures s’arrêtent lorsqu’elles parviennent à mettre une chaine autour de la cheville de Yeti en guise d’alliance, mais un beau soir, alors qu’elles s’apprêtent à prendre leur poste dans leur QG du Nez-qui-Saigne, elles se rendent compte… qu’elles sont mortes la veille sans même s’en rendre compte.
Les voilà propulsées en plein milieu des Enfers, qui semblent bien plus amusant vu sous la plume de Takayo Akiyama. Fidèles à elles-même et pas effrayées le moins du monde, les terribles sisters vont mettre le bazar dans les sous-sol de la Terre, se faisant cuire au court-bouillon, catapulter sur la Montagne aux Aiguilles et subissant la pire torture que l’on puisse imaginer: ne pas pouvoir siffler de bière au milieu de toute cette chaleur dantesque!
Vous l’avez compris, l’univers de Takayo Akiyama ne peux pas passer inaperçu; inclassable tant le style y est loufoque et décalé, cette série délicieusement pop-gothique regorge de détails improbables et de blagues aussi invraisemblables que géniales.
Mêlant crayons à papier, aquarelle, tramages et collages, elle crée des mise en scène éblouissante et une mise en page digne d’affiches rétros aux inspirations saltimbanques. La foire aux monstres est ouverte et il y a des choses à voir partout, des décors riches en personnages et scènes de second plan, on est littéralement happé par le tourbillon fou des Siamese Sisters.
Ces aventures pétillantes et loufoques, présentées sous le forme de deux beaux albums aux codes couleurs spécifiques à chaque tome (bleu et jaune pour Les Soeurs Siamoises et rose et violet pour Daisy et Violet en Enfer!) apportent un souffle de fraicheur et donne envie de danser sur du rock endiablé jusqu’au bout de la nuit en compagnie de toute la joyeuse et monstrueuse compagnie du Pub du Nez-qui-Saigne!
Editions Cambourakis
Caroline