Si vous êtes plutôt vacances à la Into the Wild que crème solaire et soirées folles à la Gatsby, Walden ou La vie dans les bois est sans aucun doute un livre fait pour vous. Préférez un endroit isolé, dans les bois, à la montagne, au bord d’un lac pour savourer ce récit naturaliste et poétique d’un original qui a fuit une Amérique de l’industrialisation et du consumérisme de la seconde moitié du XIXème siècle.
Car j’étais riche, sinon d’argent, du moins d’heures ensoleillées comme de jours d’été, et les dépensais sans compter.
Deux ans, deux mois et deux jours, c’est le temps passé par Henri David Thoreau dans une cabane qu’il a bâtie lui-même sur les bords de l’étang de Walden à Concord dans le Massachussetts. Au loin, il entend le sifflet de la locomotive à vapeur qui va marquer à tout jamais le quotidien des habitants de la petite ville de Concord. La solitude, parfois brisée par la curiosité de certains riverains, et l’expérience d’une vie simple lui permet de coucher sur le papier une puissante critique de l’économie, de la société de consommation et de l’industrialisation. Dans notre début de XXIème siècle de crise économique, écologique, philosophique, les réflexions de Thoreau sur le rapport entre l’Homme et la nature, le temps et les autres, ne semblent pas avoir prises une ride…
Le sifflet de la locomotive pénètre dans mes bois été comme hiver, faisant croire au cri d’une buse en train de planer sur quelque cour de ferme, et portant à ma connaissance que nombre de marchands agités de la grande-ville arrivent dans l’enceinte de la petite, ou d’aventureux commerçants de la campagne s’en viennent de l’autre versant. En atteignant l’horizon, ils crient leur avertissement pour livrer la voie à l’autre, entendu parfois de l’enceinte de deux villes. Voici venir votre épicerie, campagnes ; vos rations campagnards ! Il n’est pas d’homme assez indépendant sur sa ferme pour être capable de leur dire nenni.
Walden c’est l’histoire d’une rencontre entre l’homme et la nature délaissée, grande oubliée du progrès humain. Cette oeuvre majeur de Thoreau, à l’origine du genre littéraire du nature writing, au carrefour de l’autobiographie et de l’observation de la nature, ne vous ennuiera pas par de longues platitudes poétiques et philosophiques. Issue de ses carnets, Walden se divise en dix-huit chapitres alternant des réflexions sur l’économie à la verve pamphlétaire, des passages dignes d’un manuel de survie en milieu naturel, des pensées philosophiques issues d’une expérience intime de l’environnement et des instants poétiques de contemplation en pleine conscience.
On doit à Thoreau ces vers magnifiques rendus célèbres par le film Le cercle des poètes disparus et qui chantent cet instant présent grand oublié de la course au progrès :
Je m’en allais dans les bois
Parce que je voulais vivre sans hâte
Vivre, intensément,
Et sucer toute la moelle de la vie
Mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie
Pour ne pas découvrir, à l’heure de ma mort
Que je n’avais pas vécu
Walden ou La vie dans les bois, Henry David Thoreau, trad. L. Fabulet, Gallimard, coll. L’imaginaire, 2012, 377 p.
Pour aller plus loin, “Trois raisons de (re)lire… Henry David Thoreau” par Gilles Heuré sur Telerama.fr
Sonia