Souvenez-vous de votre enfance; des rêves éveillés qui peuplaient vos nuits; des cauchemars sympathiques qui fourmillaient dans vos journées. Guillaume Bianco semble s’en rappeler mieux que quiconque comme le prouve si bien les aventures de Billy Brouillard et de son don de trouble-vue.
Billy est un gamin à l’imagination débordante, vivant en compagnie de sa petite soeur et de ses parents dans une grande maison de campagne. Il préfère de loin le monde flou où les créatures fantasmagoriques peuplant son imagination prennent vie lorsqu’il enlève ses lunettes à la réalité fade et triste qu’il perçoit quand il les porte. Ignorant ainsi les remontrances de ses parents le houspillant de remettre ses lorgnons, il part à l’aventure en compagnie de sirènes, animaux étranges et autres faunes, suit les traces d’un mystérieux croque-mitaine et poursuit sans relâche son études des faits étranges pour les consigner dans son journal du bizarre. A la manière de la Catherine Certitude de Patrick Modiano, mais dans un style résolument plus sombre et Tim Burtonien, le confort du mirage l’aide à affronter son quotidien un peu trop plan-plan à son goût et il n’hésite pas à s’y plonger dés qu’il le peut.
Guillaume Bianco reprend de nombreux codes et les assembles de manière à former une collection à l’allure de mieux grimoire contemporain: la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le jour et la nuit, autant de contradictions qui prennent une profondeur nouvelle au travers des yeux bigleux de ce gosse polisson et en quête de l’incroyable que les adultes ne savent plus apprécier alors qu’il est sous leurs nez.
Son trait fin et acéré, sa gamme de couleurs sépias savamment diluée et la mise en page fantastique des Billy Brouillard nous happe dés les premières pages: vignettes tout en noir et blanc s’alternent avec des doubles-pages aux airs de gazette anciennes: en effet, on suit le quotidien du jeune héros aux yeux brouillés mais aussi ses notes et des articles annexes qui développent en profondeur les thèmes abordés en un bestiaire rétro. La Gazette du Bizarre, quand à elle, s’appuie sur les croyances et superstitions populaires dans un style délectable d’humour noir et d’absurde tandis que les comptines parsemées au fil des pages sont plus dans un délire burlesque et mélancolique. Loin de s’arrêter à un dessin expressif et à une créativité folle, il manie aussi bien la prose que le vers; je vous l’avait dit, Guillaume Bianco a plusieurs cordes à son arc, et il sait s’en servir.
Loin de tomber dans la facilité des ouvrages du genre, l’auteur a su créer sa propre identité en s’appuyant sur des contes et légendes connus de tous (Père Noël, êtres aquatiques, fantômes…) et en se les appropriant entièrement. Il crée aussi des personnages totalement loufoque et aussi creepy qu’attachants, comme par exemple la fille princesse de la flaque d’eau, qui a une robe parapluie et qui porte une couronne d’escargots. A travers les yeux de Billy Brouillard, ce sont les peurs de l’enfance qui ressurgissent, faisant écho à nos propres cauchemars peuplés de croques-mitaines. Cependant, le jeune héros ne craint ni goules ni ectoplasmes, au contraire il les cherche et tente de découvrir leurs histoires et leurs quotidiens, transformant ainsi l’effroyable en source d’enquête et parfois même d’amitié.
Vous l’avez compris, Guillaume Bianco a signé une collection qui s’adresse aux adultes et ados souhaitant replonger dans l’ambiance douce-amère de leur imaginaire de gosse, tout en nous faisant une piqure de rappel qui n’est pas des moindre: ne vous fiez pas à la réalité toute faite que vous voyez, car au fond, tout au fond de votre coeur, l’enfant qui sommeil en vous se souvient que ce qu’on ne sait plus voir est bien plus important.
Editions Soleil
Collections Métamorphose
Caroline