“The Vampyre; A Tale” (souvent traduit par “Le Vampire” en français) est une nouvelle écrite par Polidori et publiée pour la première fois en 1819 dans le New Monthly Magazine.
L’histoire de la genèse et de la publication de cette nouvelle est particulièrement intéressante, votre humble narratrice se permet donc de la raconter en quelques lignes.
En effet, la nouvelle, bien que publiée en 1819, est originaire du fameux concours d’histoires étranges de la villa Diodati dans l’été 1816. Comme votre humble narratrice l’avait mentionné dans sa précédente chronique sur Frankenstein, nous trouvons dans le groupe de romantiques, John William Polidori, le médecin de Lord Byron. Le jeune médecin participe également au fameux concours et écrit la nouvelle “The Vampyre; A Tale” en quelques jours.
A sa publication en 1819, la nouvelle a été attribuée à Lord Byron lui-même et doit son succès immédiat au fait que les lecteurs pensaient que le fameux poète en exil en était l’auteur. Une anecdote que votre humble narratrice a trouvée particulièrement drôle : Goethe a déclaré que “The Vampyre” était la meilleure oeuvre de Lord Byron… Lors de sa ré-édition, cependant, la nouvelle n’est plus attribuée ni à Lord Byron ni à Polidori.
Même si Lord Byron n’est pas l’auteur de la nouvelle (ou peut-être surtout parce qu’il n’est pas l’auteur) il est omniprésent sous les traits du fameux vampyre, l’aristocrate anglais étrange et fascinant, Lord Ruthven. Un élément de contexte : Lord Ruthven est le nom que Lady Caroline Lamb, l’ancienne amante de Lord Byron, a donné au personnage clairement destiné à représenter le poète dans son roman Glenarvon.
La nouvelle est considérée comme la première oeuvre a intégrer tous les éléments disparates des superstitions pour former le vampire comme une créature complète et cohérente. Polidori explique lui-même dans l’introduction comment il a construit le monstre de sa nouvelle. Cette introduction est particulièrement intéressante parce qu’elle explique comment le vampire tel que nous le voyons aujourd’hui, a été créé.
En effet, “The Vampyre; A Tale” fonde les bases du mythe du vampire, avant même Carmilla et Dracula. Ce vampire aristocrate, distant, mystérieux et pourtant terriblement fascinant que nous connaissons si bien qu’il est désormais un cliché pour nous, vient du vampire de Polidori, Lord Ruthven. Beaucoup de personnes sont venues au chevet de votre humble narratrice, déçus de Dracula car ils s’attendaient à y retrouver les origines du mythe, l’explication claire et précise de la condition du vampire. Si c’est le cas pour vous également, lisez “The Vampyre; A Tale” et vous serez comblés !
L’intrigue de la nouvelle peut se résumer ainsi : Aubrey, un jeune homme noble et orphelin, rencontre le mystérieux Lord Ruthven. Pour tenter de comprendre cet homme fascinant, Aubrey décide de voyager avec lui en Europe. Les deux hommes se suivent à travers l’Europe (principalement entre l’Italie et la Grèce) dans un ballet de fascination et de répulsion. Aubrey est persuadé avoir vu Lord Ruthven mourir en Grèce pour le retrouver dans la société anglaise. Tenu par sa promesse de garder la mort de Lord Ruthven un secret, Aubrey sombre dans la folie tandis que le vampire détruit ce que la folie n’a pas consommé.
Vous avez pu le remarquer, la nouvelle est extrêmement similaire à Dracula : on retrouve en Dracula et Jonathan Harker, l’étrange relation qui se tisse entre Aubrey et Lord Ruthven. Ce n’est d’ailleurs pas si surprenant : après tout, Polidori avait probablement une relation avec Lord Byron similaire à celle que Bram Stoker avait avec l’acteur Henry Irving pour lequel il travaillait. Néanmoins, ce mélange entre attraction et répulsion, la fascination involontaire et la souffrance qui s’ensuit est un spectacle tout à fait charmant que votre humble narratrice ne s’attendait pas à retrouver après Dracula.
Certaines scènes de la nouvelle sont répétées dans le roman de Bram Stoker, comme la famille de paysans qui supplient Aubrey de ne pas s’aventurer dans la forêt du vampyre, seul, la nuit que vous pouvez retrouver au début de Dracula, lorsque l’aubergiste donne un crucifix à Jonathan Harker lorsque celui-ci persiste à vouloir rendre visite au Comte Dracula.
Le format de la nouvelle ne se prête pas au développement des personnages secondaires, mais nous pouvons voir dans “The Vampyre” deux femmes: Ianthe, l’amante grecque d’Aubrey et la soeur bien-aimée de ce dernier, les ombres qui se transformeront en Lucy Westenra et Mina Murray dans le roman de Bram Stoker.
La nouvelle de Polidori n’est pas uniquement le prototype de Dracula : nous pouvons également y retrouver des éléments qui appartiennent à Frankenstein tels que l’utilisation du mot “monstre” qui est loin d’être anodine, la force surhumaine de ces monstres, la mort de la jeune mariée et un héros, consommé par la culpabilité jusqu’à la mort.
“The Vampyre; A Tale” est incroyablement riche et fascinant. La nouvelle est comme le prisme qui concentre la lumière blanche des superstitions sur le vampire en l’arc-en-ciel qui définit la figure du vampire telle qu’elle est ancrée dans nos esprits aujourd’hui. Lire cette nouvelle est non seulement le plaisir et les frissons de l’intrigue, mais également, la découverte des origines du mythe.
Le tableau au début de l’article est Erwachen des Tages. Wild in einer in Frühnebel getauchten Auenlandschaft. Im Hintergrund eine Burganlage mit Wehrturm (Aurore. Animaux sauvages dans un champ submergé par la brume du petit jour. A l’arrière plan, une forteresse avec une tour) de Carl Hilgers, 1857.
48 pages.
édition Rhinoceros.
traduction par Amédée Pichot.
Anne-Victoire.