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Infinités – Vandana Singh

« En attendant, elle continua de lire ses romans de science-fiction, car, plus que jamais, ils lui semblaient refléter sa prise de conscience de l’étrangeté fondamentale du monde.Peu à peu, elle finit par comprendre que ces contes tentaient de lui communiquer d’une façon alambiquée une vérité fondamentale, conçu pour tromper les snobs littéraires et égarer les lecteurs distraits »

Divya doit se préparer et préparer sa maisonnée pour la visite des collègues et patrons de son mari. La tension et monte et la pression importante car cette soirée peut bouleverser le nouvel équilibre sociale de la famille.

Ramnath Mishra essaie de prendre son nouveau rythme de retraité, mais ce calme en construction explose lorsque sa femme lui assure qu’enfin, elle s’est trouvé : elle est une planète.

Abdul Karim, un petit professeur de mathématiques aurait pu faire carrière dans la recherche. Les affrontements religieux dans sa région entre musulmans et hindous en aura décidé autrement. Il continue cependant à réfléchir aux mathématiques, et voudrait voir l’infinité. Car depuis toujours, il sait, il voit quelque chose du coin de l’œil. Ses intuitions, cette connaissance latente pourrait peut-être lui permettre de comprendre pourquoi soudain les tensions religieuses se réveillent et les violences reprennent.

Un mystérieux tétraèdre apparaît brusquement au beau milieu d’un croisement de New Delhi. Apparemment impénétrable et inaltérable, celui-ci dresse sa masse au-dessus des citadins et des touristes. Maya, jeune étudiante qui attend avec peu d’impatience le moment de se marier, était présente lors de son apparition, et ne peut se le sortir de la tête. Ce tétraèdre a un sens et une utilité, et elle le comprendra quoi qu’il en coûte.

Voici quelques-uns des histoires racontées par Vandana Singh dans ce très beau recueil qu’est Infinités. Certaines sont clairement installées dans un univers de science-fiction, que ce soit des scientifiques sur la Lune, ou encore les mythes et légendes des peuples de Proxima du Centaure. D’autres nes laissent surgir l’imaginaire que sur la fin, te laissant lectrice, lecteur, attendre avec tes doutes et ton jugement sur les personnages et leur comportement parfois étrange. Cette femme qui se croit planète, à quel point est-elle folle ? Cette autre femme, complètement obsédée par l’eau et la fête des serpents, que cherche-t-elle à faire ?
Mais quel que soit l’atmosphère de ses histoires, Vandana Singh nous accroche. Ses récits, comme le dit si bien Divya dans la première nouvelle, nous donne une vérité fondamentale. Par ses histoires, elle nous raconte tant de choses sur ce pays dont les images qui nous viennent sont parfois surannées, cartes postales sépia de champs de crocus sur fond d’Himalaya. Ici nous découvrons les classes sociales moyennes de l’Inde moderne, malgré tout soumise à cette tradition de caste, obligeant à rester dans l’entre-soi ou à se révérer devant celui qui vient de plus haut, à laisser crever celui qui est issu de plus bas.
Surtout, Vandana Singh nous parle des femmes d’Inde. Ces femmes qui, bien sûr, sont invitées à faire des études, mais pour qui le mariage, s’il n’est arrangé, en tout cas bien organisé, sonne le glas de toute velléité de liberté et d’indépendance. Chez Singh, heureusement, les femmes, bien que dominées, sont titulaires d’une certaine puissance inaccessible à l’homme. Qu’elle soit ancestrale et transmise par les mère ou encore venant d’une connaissance induite, d’une ouverture d’esprit plus grande d’une curiosité appelant le changement et l’aventure, les femmes de Vandana Singh parviennent à arracher leur liberté au détriment des hommes qui, sans être forcément de grosses brutes, sont incapables de comprendre la violence quotidienne qui leur est faite.
La violence sociale se répercute donc non seulement sur la cellule familiale, dont la déchéance serait le pire des châtiments, mais aussi sur les femmes, parfois à elles seules responsable de cette bienséance à maintenir, et dont les désirs et besoins sont rejetés comme des caprices incompréhensibles.

Avec Infinités tu as la chance, lectrice, lecteur, de découvrir un univers vaste et poétique dans lequel les histoires te racontent avec humanité et une grande subtilité des récits de femmes et d’hommes dépassés par la violence de leurs semblables, et dans lequel, avec finesse et intelligence, la science-fiction vient donner la clef, la compréhension qui pour toujours sera insaisissable pour ceux qui sont incapables de s’ouvrir, de se laisser guider par leur humanité, par la voix de l’univers.

« Les larmes coulent sur les joues d’Abdul Karim. Il tente d’écarter sa mère. Tente de lui dire : ce n’est pas Ayesha, ce n’est qu’une autre femme dont le corps est devenu un champ de bataille où les hommes se font la guerre. »

Aurélien Police
Aurélien Police

Denoël Lunes d’encre,
Traduit de l’anglais (Inde) par Jean-Daniel Brèque
272 pages

À propos Marcelline

Chroniqueuse/Co-Fondatrice

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