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La maison des épreuves – Jason Hrivnak

Il y a des livres qui content, d’autres qui (se la) racontent et il y a ceux qui bousculent les narrations, qui troublent la notion même de fiction. La maison des épreuves est le premier roman de Jason Hrivnak. Il a été écrit à partir de l’idée du deuil et de la culpabilité du survivant, qui pousserait un homme à écrire une tentative de remède après-coup pour une amie suicidée. L’introduction est à ce titre absolument poignante.

« mon seul espoir était de créer une résonance, de reproduire à la fois en moi et dans le texte la fréquence particulière de désarroi qui la poussait au suicide. Je ne sais pas trop ce qu’aurait pu signifier pour elle le fait d’éprouver une telle résonance. Mais tant que qu’elle comprenait qu’elle avait été vue, et par conséquent, dans ce moment, le pire qui fut, j’aurais pu vivre avec sa décision. »

La maison des épreuves est donc une fiction, mais sans histoire, un conte de deuil mais sans l’absence et ses sentiments. Car le livre, humblement, est infiniment plus que tout ça.
Comment sauver d’eux-mêmes ceux qui veulent mourir ? Le peut-on seulement ?

En bâtissant cette maison des épreuves, Jason Hrivnak tente une réponse terrible et merveilleuse. Tel un Dédale littéraire, il construit ici un univers mental labyrinthique où les impensables monstres ne sont pas enfermés, cachés, niés, mais au contraire sublimés pour exorciser les douleurs et tromper la mort en chacun de nous. Car dans un labyrinthe on a toujours le choix. Si Fiona l’avait eu ce choix peut-être aurait-elle pu se sauver, peut-être pas.
Le livre s’adresse à elle, l’amie disparue. L’auteur montre une foi prudente en la possibilité d’aider les gens que l’on aime à se sauver d’eux-mêmes, dans la maison des épreuves qui leur sera « administrée » (sic), comme un remède.

En faisant du lecteur le destinataire indirecte de ce voyage cathartique, l’auteur créé un trouble, accentué par la plongée dans un univers sombre et morbide, plein d’une violence vis à vis de laquelle on reste finalement très détachés, l’auteur ne cherchant visiblement pas l’effroi.
Le trouble vient aussi de ce que l’on oublie jamais l’amour dans tout ça, comme un fil d’Ariane, une ligne de vie invisible tout au long d’une forme de descente aux enfers.
L’aisance de l’auteur dans la narration fait que très vite on ne cherche plus à savoir ce que l’on fait là, on se laisse porter dans la maison hantée par l’amie disparue, et dans les tours et détours on trouve un peu de soi, quand parfois une question éveille en nous une réponse que l’on ne soupçonnait pas.
Ce roman, ce serait un peu le livre dont vous pourriez sauver le héros et le héros ce serait vous. Dans cet ordre.

« Deux enfants se rencontrent au cœur de la forêt. Ils extraient une boîte en bois d’un trou sous les racines d’un chêne tordu. Dans la boîte se trouve une créature qu’ils ont fabriquée non sans mal avec des morceaux de poupée, du cuir et des os d’animaux morts. Que faut-il pour animer cette chose jusqu’ici inerte ?
a. La mort d’un des enfants par la main de l’autre.
b. La mort des deux.
c. La mort d’un troisième enfant, innocent celui-là.
d. La mort de tous les adultes dans un rayon de cinq kilomètres. »

Entre contes gothiques et jeux à se faire peur, le livre ramène très habilement à l’enfance et à nos terreurs fondatrices.
Il interroge, par sa forme pour le moins originale et au sens propre, en s’adressant au lecteur, lui demandant de faire des choix, de plus en plus loin et de plus en plus précisément.
Le livre est ainsi composé de trois sections. La première sous la forme d’un test avec pour chaque item quatre propositions, au choix. La seconde est moins dirigée, les questions sont ouvertes mais toujours dérangeantes. Dans la troisième section, le “vous” et le “je” alternent, en dix rôles à jouer, pour mieux vous oublier et au fond vous retrouver.

Jason Hrivnak prouve qu’il peut y avoir de la justesse dans l’outrance, de la tendresse dans la noirceur des âmes et de la beauté dans l’horreur. Transcendant le glauque et sans complaisance avec la violence, la maison des épreuves est à la fois tour de magie et tour de force dans une drôle de foire aux atrocités. La traduction de Claro, comme toujours impeccable, garantit une immersion fluide et sans remous dans l’univers de l’auteur.

Je suis ressortie de cette lecture avec un sentiment très fort. Celui que nous serions tous freaks en puissance et que nous serions tous sauvables, peut-être…et qu’il faut tenter parfois de soigner le mal par le mal.
Tentez donc! Plongez-vous dans cette lecture peu commune, vous n’en ressortirez pas sans avoir remué vos tripes et vos sentiments pour celles et ceux que vous aimez, au présent comme au passé.
L’ogre fait sa rentrée 2017 avec une grande claque, mais c’est pour votre bien.

Editions de l’Ogre

Traduit par Claro

144 pages

Héloïse

 

 

À propos Héloïse

Chroniqueuse

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