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Taiyou Matsumoto- Amer Béton

A mes yeux Taiyou Matsumoto est un pure génie: mangaka à connaitre absolument, illustrateur hors-paire ainsi qu’humaniste moderne, il fait parti des auteurs qui font vibrer ce petit quelque chose dans le coeur, qui nous laisse une trace indélébile, un écho lointain toujours présent.
Amer Béton est l’un de ses ouvrages les plus connu, notamment grâce à son adaptation cinématographique à couper le souffle par les créateurs d’Animatrix. On y suit le quotidien survolté de deux orphelins inséparables surnommés « les chats ».

 

Taiyou Matsumoto nous donne les clés d’une cité hors du temps: Takara-machi, dit Trésor-ville; ses immeubles tortueux, ses enseignes lumineuses, ses corbeaux, ses citoyens aux dos voutés et ses chats. Chat noir, chat blanc, Blanko et Noiro, deux gamins des rues qui règnent en maitre sur cette ville, volant de toits en toits, pirouettant et chapardant sans cesse.
Rien ne semble vraiment pouvoir perturber ce duo à l’osmose parfaite, ni les petits voyous, ni les gros malabars. Du moment qu’ils sont ensemble, Noiro et Blanko s’accordent, se complètent, sont la prolongation l’un de l’autre. Incarnant la dualité à l’équilibre parfait du Yin et du Yang très prononcé dans la culture nippone, ils sont la personnification de la lumière et des ténèbres ainsi que de l’innocence et de la violence, tout en formant un tout nommé amitié.

Si Blanko, le plus jeune et le plus naïf, aime par dessus tout les chapeaux farfelus et inventer des chansons étranges, Noiro est beaucoup plus grave et taciturne. En tant qu’ainé, il se doit de prendre des initiatives et protège son cadet de la dure réalité de l’existence. Mais quelque chose semble grandir en lui, une gangrène mauvaise, une part d’ombre qui s’amplifie et grignote peu à peu le chat noir. Car il faut savoir que le jeune Noiro incarne l’âme de Takara du plus profond de son être… Et petit à petit l’asphalte semble se mouvoir, l’air change: Amer Béton.
Ce cancer s’accroit en même temps que l’arrivée du Serpent qui semble bien décidé à conquérir Takara et la faire sienne par tous les moyens. Son allure reptilienne et ses trois immenses acolytes dont on ne sait si ils sont humain ou machine à tuer n’annoncent rien de bon pour les deux jeunes félins des rues.
De plus, le Rat pointe également le bout de son museau et rejoint sa chère et tendre Famille de Yakuza après de longues années d’exil. Le crime organisé revient sous le soleil de plomb de la ville Trésor des deux chats, annonçant avec elle l’arrivée de l’automne et de cet hiver que craint tant Blanko.

Peu à peu, une véritable guerre de territoire commence entre les frères félins et cette nouvelle mafia, plus sournoise et sanglante que jamais. La traque éclate dans une envolée graphique folle et bondissante où le talent de Taiyou Matsumoto surpasse les cases et les phylactères. L’architecture atypique évoque le baroque futuriste des milieux urbains de Ghost in the shell de Mamoru Oshii ou encore de Metropolis d’Osamu Tetzuka: hors du temps, avec des tours d’immeubles brinquebalants aux couleurs acidulées côtoyants des temples traditionnels, des guinguettes de quartiers, le tout habité par une foules d’animaux exotiques et de personnages aux costumes exubérants.

Fidèle à lui-même, Taiyou Matsumoto nous ébloui littéralement avec son graphisme très éloigné de celui des manga commerciaux, usant de son trait très épais et vibrant, allant à contre-courant et nous entrainant dans les méandres mélancoliques et éclatantes de son univers. Car il faut souligner que ses mangas ne se reposent pas uniquement sur un design impactant : lire une bande-dessinée de Taiyou Matsumoto c’est pousser la porte d’un monde à part où l’amitié est une valeur forte, qui peut surmonter tous les obstacles, où l’humanité des personnages, souvent un peu abimés et un peu bancales à l’image des paysages où ils évoluent, transcende tout.

Amer Béton est poétique, absurde et coloré, plein de ce non-sens naïf cher à l’auteur: à travers un conte moderne on croise une galerie de personnages charismatiques et marquants, chacun incarnant un pan de la société humaine à travers les siècles: la nostalgie, la haine, l’espoir, l’amour, la trahison…
Sauvage, fort, vibrant, tout simplement beau autant par la forme que par le fond, Amer Béton de Taiyou Matsumoto est un manga à posséder absolument. Ca prend aux tripes, ça prend au coeur, c’est rempli à ras-bord de belles choses et de luttes, de ruelles physiques et psychologiques, de frères-chats de gouttière, de lune et de soleil.

Caroline
Editions Tonkam
612 pages

À propos Caroline

Chroniqueuse

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