Pavel Havek a publié, chez Tritram, un roman court sur la guerre. Une texte coup de poing, violent et désabusé. Ce texte, que l’on pourrait lire d’une traite, impose de ralentir le rythme, de subir chaque ligne, chaque phrase, chaque mot. Rude, âpre, sans concession.
Et vous savez quoi? Les éditions Tristram viennent de le rééditer dans leur collection Souple!
Le récit d’une guerre. Une guerre dans un pays qui n’est pas le notre, un temps qui n’est pas le notre, peut-être même un monde qui n’est pas le notre. Mais une guerre dans un pays qui ressemble étrangement au notre. Dans ce texte amer et plein de fureur, nous suivons différents protagonistes. Des protagonistes que nous ne nommons jamais.
Il y a un groupe de fuyard voulant atteindre la frontière du pays coûte que coûte, se cachant dans les buissons, fuyant la moindre route marquée par les chenilles des blindés, progressant dans la forêt pour se cacher des hélicoptères ou des drones. Il y a un homme à la recherche des cadavres de son père, de sa mère et de ses frères. une errance dans un champ de désolation, pour ramener chez lui sa famille. Qu’ils ne disparaissent pas à tout jamais. Un groupe de militaire, chargé de contrôler les identités des personnes qui fuient à différent points de contrôles. Des militaires sans humanité, qui ont pris l’habitude de violer, torturer et tuer. Puis nous avons le Sniper, ce tireur embusqué, qui dans son monologue quasi-prophétique se révèle être la volonté du gouvernement, le “rétablisseur d’ordre”. Depuis sa position, il décide d’ôter la vie selon ses critères, tout en cherchant à atteindre une perfection dans son art.
“Mon devoir est de tuer. Frapper mortellement ( en une fraction de seconde) ce qui est condamné à mort. Par qui? Pourquoi? La guerre n’admet pas de questions. Opposants au régime, hommes et femmes errant, soldats ennemis, rebelles financé par les puissances étrangères, enfants, vieillards, autant de noms pour une seule et même réalité: ma cible!“
Dans un style et une écriture incisive, Pavel Hak parle de la déshumanisation, du gris, de la tristesse, de la souffrance et de la colère. Nous devinons, à travers les mots de l’auteur, un pays proche de chez nous, une époque similaire à la notre. Un monde où la barbarie est libre de s’exprimer. Les interrogatoires deviennent jeux, sévices, supplices; des tortures purement gratuites. Les femmes sont violées et exécutées. Les hommes se font charcuter à la moindre occasion. Des soldats pareils à des bourreaux.
Mais à travers le regard du groupe de fuyard, d’un trio de femmes ou encore de l’homme cherchant les cadavres de sa famille, nous assistons, impuissant, au dernier instant de l’humanité. Comment réussir à vivre dans se monde morne et sans nuance, comment nourrir un espoir et avancer.
” Le temps qui nous étouffe, la mort qui nous guette, sont tous deux invisibles. Peut-on arrêter le temps et vaincre la mort en tuant soldats, paysans, mercenaires, intrus venus d’on ne sait quel coin du monde? Détruire. Anéantir. Je ne laisserai personne vivant. Il suffit d’un survivant pour que l’irrémédiable ait lieu L’accusation. Et avec sa chienne malpropre, la condamnation et la peine.”
Il s’agit là du second roman de l’auteur. Un texte court et percutant, plein de hargne. Mais un texte intelligent dans son raisonnement. La guerre comme prétexte à nous renvoyer à notre condition humaine et notre quotidien purement superficiel. Pavel Havek, à travers sa fiction, s’impose comme un témoin de notre temps, de ses vices cachés, tapis dans l’ombre, qui n’attendent que le déclic pour surgir et nous prendre à la gorge.
Éditions Tristram,
collection Souple,
106 pages,
Ted.