La sortie de L’ombre de la montagne est l’occasion de revenir sur Shantaram, le fameux roman de Gregory David Roberts qui a entraîné des milliers de lecteurs sur les pas de Lin, fugitif australien tout juste débarqué en Inde. Guidé par Prabaker et son arme la plus persuasive, son sourire, on découvre les multiples facettes de Bombay et de ses habitants. Ville fourmillante où Lin va tenter de se fondre. Il en apprend les codes et les dialectes, y rencontre la mystérieuse Karla, passe plusieurs années dans un bidonville, intègre la mafia… et tente d’oublier le passé.
“(…) chaque action vertueuse est inspirée par un sombre secret. Ce n’était peut-être pas vrai pour tout le monde, mais ça l’était pour moi.”
Difficile d’en dire davantage sur Shantaram, c’est un roman qui se lit plus qu’il ne se raconte. Si ce n’est qu’on s’imprègne très vite de l’atmosphère ambiante et qu’on le relit avec plaisir. L’épaisseur du bouquin fait qu’il y a toujours des anecdotes à redécouvrir, des préceptes à méditer, des réflexions à approfondir…
L’ombre de la montagne est différent. Lui non plus ne manque pas de questionnements existentiels mais il est plus urbain, plus sombre d’une certaine manière. G.D. Roberts nous plonge du côté obscur de la force, au cœur du système mafieux et des guerres de gang. Il nous emmène là où drogue et argent font des ravages, où faussaires et dealers alimentent le marché noir, où corruption et règlements de compte huilent les rouages d’une société cupide et destructrice. L’avidité de pouvoir gangrène les esprits et des affrontements sans foi ni loi éclatent au grand jour. Parfois la richesse du cœur l’emporte encore, mais l’équilibre fragile qui semblait régner auparavant se dégrade.
“Le crime paie, bien sûr, sinon personne n’en commettrait” mais “Le crime est un démon et l’adrénaline sa drogue de prédilection”
On retrouve donc une Bombay rongée de l’intérieur et un Lin en proie aux doutes. Entre histoires d’amour et passages à tabac, le criminel au grand cœur poursuit sa quête philosophique et se confronte à des vérités douloureuses qui le poussent à se demander si ses choix de vie relèvent plus de la manipulation, de sa volonté ou du destin.
“Quand ta vie ne te propose pas d’autres plans que le chemin le plus court pour quitter la ville, quand ton cœur a attendu trop longtemps la vérité, ou quand ton âme a attendu trop longtemps un chant nouveau, le Destin frappe parfois le sol de son bâton sacré et le feu vient se mettre en travers de ta route.”
Il est probable que les inconditionnels de Shantaram soit divisés concernant L’ombre de la montagne. L’atmosphère de ce second volet est différente de celle du premier, mais on se laisse malgré tout embarquer par le cheminement de Lin et de ses amis, anciens comme nouveaux. Peut-être aussi qu’il ne faut pas être trop gourmand et éviter d’avaler les deux volumes coup sur coup pour mieux apprécier le deuxième. Après, reste la question du dénouement : les “happy ends” ne sont pas toujours les plus belles et les “sad ends” pas toujours les plus héroïques. D’autres fois, on aime garder ouvert le champ de tous les possibles… là encore chacun se fera son propre avis.
En fait, L’ombre de la montagne reste un bon roman si on ne cherche pas à le comparer à Shantaram : entre aventure, polar et philosophie, il y en a pour tout le monde. Et pour ceux qui n’ont pas encore lu G.D. Roberts il vous reste une grande partie des vacances pour vous immerger dans son univers, Bombay vous attend…
Pauline
éd. Flammarion, 2007 (V.O 2005)
871 pages
traduit de l’anglais (Australie) par Pierre Guglielmina
éd. Flammarion, 2017 (V.O 2015)
928 pages
traduit de l’anglais (Australie) Laurent Barucq