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Pavloff - La nuit des enfants qui dansent

Franck Pavloff – La nuit des enfants qui dansent

“Non loin du camion où ils reposent, à l’entrée du parking du parc, des hommes et des femmes épuisés, des enfants en sueur, s’accrochent à ce que chaque jour leur octroient de survie. Leur passé est enfoui dans les ruines d’Alep, et ils rêvent d’un avenir à Berlin. La peur au ventre avec leurs sacs troués, leurs vêtements d’emprunt, leurs regards de réfugiés, ils piétinent le sol de l’Europe frileuse dont la Hongrie est le symbole. Ils sont le présent douloureux du monde.”

Des hommes et des femmes en exil, voilà un des thèmes récurrents de l’oeuvre de Franck Pavloff. De l’Espagne de Franco dans “L’enfant des marges” aux plaines des Balkans du “Pont de Ran Mositar“, le voyage, forcé ou non, l’ouverture, la tolérance mais aussi la résistance face aux brutalités du pouvoir, tout cela fait l’oeuvre de Pavloff.
Contes philosophiques dans “Matin Brun“, roman dans “L’homme à la carrure d’ours” ou de nombreux autres, récit de voyage pour “Pondichery-Goa” ou encore roman policier ou littérature jeunesse, Pavloff évoque les mêmes messages au fil de son oeuvre protéiforme, au gré de ses histoires tendres et humaines.

Dans son dernier roman, il met en scène une rencontre. Celle de Zâl, jeune acrobate sans peur, et de Andras, vieil hongrois exilé en Autriche. Zâl n’a pas de passé, ou du moins, le garde-t-il bien éloigné de lui. Prodige de la voltige, il passe ses soirées à courir sur une slackline pour un public de marginaux, et ses journées à lire et relire « la conférence des oiseaux », un conte mystique soufi. Andras lui, vit pour les souvenirs. Il ressuscite constamment la vie artistique et révolutionnaire du Budapest de sa jeunesse, lorsque la Hongrie passait d’une dictature à une autre, du fascisme au stalinisme.

“Excusez mes lacunes, mais je suis né sous la botte nazie, j’ai grandi sous le carcan communiste, et j’ai derrière moi vingt cinq ans d’exil volontaire en Autriche. Je ne suis à Budapest que depuis Hier.
– Un pèlerinage ?
– Non, les tribulations chaotiques d’un homme ordinaire.”

La nuit des enfants qui dansent“, c’est aussi le choc des générations. Celle de Zâl, de la jeunesse européenne, criant et fêtant leur douce vie avec insouciance tandis qu’Andras et les siens restent pris au piège dans une Hongrie dévastée par la guerre et la dictature. C’est l’Histoire qui ressort dans les récits de vie, quand les hordes de festivaliers envahissent Budapest pour le plus grand festival d’Europe et croisent dans les gares les migrants en quête d’une Europe qui les rejette.
Le choc des premiers temps qui se mue en amitié et en curiosité.

La nuit des enfants qui dansent” se construit aussi comme un ensemble de quêtes. Spirituelle et initiatique pour Zâl, qui cherche le Simurgh, l’oiseau roi de “La conférence des oiseaux”. Familiale pour Andras qui aimerait renouer avec l’histoire de son pays, et enfin tourner la page de son passé. Une quête aussi pour Téa, jeune fugueuse sans but, fuyant la violence des hommes dans un quotidien autodestructeur. Quête pour Sara, hongroise, toute entière dévouée à l’aide aux migrants et luttant contre les dérives identitaires de sa patrie. Quête aussi pour ses migrants, fuyants des pays en guerre pour ne trouver que la pauvreté.

“Autour d’Andras, on chante, on danse, on claque des mains. Il n’en revient pas d’être entouré d’hommes et de femmes libres comme s’il assistait en direct au premier matin d’un nouveau monde dans son propre pays.”

C’est autour du Sziget que nos personnages trouveront des réponses. Dans le rapprochement des corps, la foule et la musique pour certains, dans la vision d’une jeunesse paisible unie par la fête pour d’autres. Ainsi, même écrasé de misère, une partie de la Hongrie combat encore. Dans la Budapest au deux facettes, et dans la musique. Celle, classique ou traditionnelle de Sara ou Andras, dont la famille est facteur d’orgues depuis des générations, celle plus électronique de Zâl et Tea, dépassant les frontières et les conflits.

La nuit des enfants qui dansent” est un roman d’espoir et de liens entre les communautés. Un roman qui atteste de la dureté de notre temps, mais qui nous montre aussi la beauté du présent et des instants partagés. Un roman qui, comme Matin brun, nous alerte et nous fait réfléchir.


La nuit des enfants qui dansent
Franck Pavloff
Editions Albin Michel
288 pages

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Chroniqueur

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