Qu’est-ce qui définit la littérature ? L’objet livre ? Le nombre de mots ? L’histoire narrée ? Le style d’écriture ? Un tout ? Y a-t-il des formes à respecter ? Des termes à ne pas employer ? Peut-on parler de littérature pour quelques mots posés sur une feuille ? Y a-t-il des règles précises ? Ou, finalement, la littérature ne surgit-elle pas là où on l’attend le moins ?
Ce que l’on retient à la lecture d’Association de Malfaiteurs, au-delà de cette anthologie purement folle et jouissive, c’est que la littérature n’a finalement ni dieu ni maître, qu’elle s’affranchit des codes consensuels pour surgir par divers biais. Le format importe peu, seuls comptent les mots et ce que l’on en fait.
Fêtant trente années d’édition indépendante, Tristram éditions nous gratifie d’une sélection de textes de haute volée. Des textes où la « fulgurance » littéraire surgit là où nous nous y attendons le moins. Que ce soit dans une lettre, une interview, un discours ou dans les mémoires d’un auteur, ce recueil pour amateur d’associations de malfaiteurs ce transforme en un livre passionnant, foisonnant et fascinant.
1987-2017, trente années d’édition indépendante, ponctuées par la passion, l’envie, des rencontres importantes, d’autres décisives et toujours cette envie de bousculer les lecteurs et de proposer une littérature que l’on n’a pas l’habitude de lire ailleurs. Ce livre revient sur certains documents, textes, interviews, certains rares d’autres moins. Ils ont tous en commun d’être proposés par des auteurs de chez Tristram et/ou aillant eu un rapport avec l’univers de Tristram. Il y a quelques belles surprises, comme le texte de David Bowie, le discours d’Arno Schmidt ou la correspondance de William T. Vollmann avec son éditeur. Puis il y a ces articles de passionnés, d’amoureux des livres, ceux publiés par Tristram. Comme l’excellent article d’Eric Chevillard pour le journal le Monde sur l’édition par Tristram de Tutu de la mystérieuse Princesse Sapho.
Quant à Tristram Shandy, ce livre fédérateur pour l’éditeur, essentiel pour certains, totalement inconnu pour d’autres, nous en apprenons plus sur le travail qu’il y a eu autour, la traduction notamment, son univers, et la fascination qu’exerce Laurence Sterne.
Je ne peux pas ne pas parler de JG Ballard ou encore Nina Allan, ils sont forcément de la partie. Le problème avec ce genre de livres, c’est que ça fourmille tellement de textes, d’auteurs, d’idées, de passages incroyables, qu’il faudrait résumer l’intégralité du livre pour lui rendre justice.
« Je tape ceci sur ma vieille Olympia Monica mécanique — 30 ans —, miracle d’articulations métalliques comme une création de Léonard de Vinci. Elle évoque à merveille l’imprimerie de jadis, avec du “ mordant ”, des frappes floutées, en ligne directe avec la linotype au plomb fondu et le grand Gutenberg. C’est Will Self qui m’a branché là-dessus, avec des lettres tapées sur une antique Royal. Je suppose que la tienne n’est pas une sortie papier informatique, mais je me trompe probablement. »
JG BALLARD
Je peux tout de même ajouter une chose. La dernière partie, sobrement intitulée « choisir un livre c‘est presque un métier en soi ». Une sorte d’interview croisée où l’on rencontre une bonne vingtaine d’intervenants, des auteurs, des éditeurs, un disquaire, une orthophoniste… tout simplement génial à lire !
« Et pour toi, lectrice, lecteur : dans ce qui s’écrit et s’imprime aujourd’hui, où sont l’humour ravageur ? Les folies formelles ? L’obscénité ? L’expression cathartique de la violence et du mal ? La poésie ? »
Tristram éditions,
372 pages,
Ted.
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