Mrzyk & Morceau, duo d’artistes armé d’un feutre noir et d’une imagination tout droit sortie du surréalisme, aime brasser sexe, sensualité et critique de la société. Dans leur univers tout en courbes et en noir et blanc, les lignes fines et précises s’entremêlent avec volupté et poésie, créant des histoires sans parole où l’on s’abîme en un clin d’oeil.
Il est donc tout naturel que Mrzyk & Morceau soient conviés au cortège lubrifié de la collection BD Cul des Requins Marteaux, où chaque artiste à carte blanche pour exprimer tout son talent à partir d’une seule thématique qui, vous l’aurez compris, tourne autour de la fesse.
7h02, le réveil sonne dans l’obscurité de deux chambres que tout oppose, celle de Monsieur Bite et de Madame Main. Si pour l’une le levé se fait dans le luxe feutré d’un appartement design et d’un petit moment d’exercice sur le tapis de course, pour l’autre c’est plutôt odeur de vieux mégots, gueule de bois et défrisage des poils d’aisselles.
Les journées commencent. Monsieur Bite, avec son allure de loser, la clope au bec, déambule dans les rues sans réel but, s’autorisant un petit détour par le quartier chaud où Mesdemoiselles Vulves tapinent. Madame Main quand à elle, préfère s’adonner à une séance de manucure, bien accrochée à son minuscule sac et à une superficialité toute précieuse.
Mais voilà que les deux membres sont attirés par une une exposition de hublots étoilés et se rencontrent, au détour d’une pluie de nuit lactée retranscrite dans un cadre. Le monde s’arrête. Autour d’eux, rien que l’infini stellaire et un silence assourdissant. C’est le coup de foudre, c’est sûr, mais Monsieur Bite est, n’oublions pas, un loser, alors il laisse filer sa belle minime sans rien tenter.
Le vague à l’âme, le gland morose et la phalange attristée rentrent dans leurs terriers respectifs après avoir acheter chacun de leur côté une fiole d’une forme mystérieuse et d’un rose tout aphrodisiaque, qu’ils vont se siffler pour tenter d’oublier… mais oublier quoi? Leur quotidien planplan sans saveur ni étincelle? Leur solitude qui est toute aussi oppressante, qu’elle soit accrochée à une vie luxueuse et parfaite ou une existence miteuse et misérablement banale?
Quoiqu’il en soit, cette bouteille secrète va les faire planer loin, très loin, dans une galaxie aux couleurs suaves et aux frictions amoureuses qui les mèneront tout droit au 7ème ciel, pour un moment au moins. Mais la redescende est dure, car c’est seul qu’ils émergent, encore et toujours.
Dans ce monde parallèle au notre où déambulent crayons, seins, trombones, globes oculaires ou encore ver de terre tous affublés de bras et/ou de jambes, Mrzyk & Morceau dessinent un quotidien qui est bien ressemblant à celui de notre société moderne, où le sexe est placardé de partout, à outrance, tout en restant quelque chose de mystérieux et de tabou. Enclavé dans leurs orbites respectifs gravitant autour de leurs fantasmes et de leurs craintes, les deux personnages subissent le poids de leurs peurs et de leur timidité dans un monde où pourtant tout le monde se balade sans artifice et même carrément à poil.
Mrzyk & Morceau, qui ont également réalisé des clips pour des artistes aux talents autant perchés que le leur, comme Philippe Katerine ou Sébastien Tellier, tentent de percer les mystères impénétrables du sexe dans ce Q rond, plein de volupté et de routine blasée.
Délicat et sensuel, cet opus de la collection torride des Requins Marteaux se passe de phylactère et de blabla, car, on le sait tous, les sentiments et les pulsions orgasmiques vont bien au delà des mots.
Editions les Requins Marteaux
Collection BD Cul
137 pages
Caroline