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Fumée lacrymogène

Nathalie Astolfi & Alain Dervin – 127 jours en Mars

Deux ans après les grandes mobilisations contre la “Loi El Khomri” sort, au Passager Clandestin, “127 jours en Mars, petit abécédaire combatif contre la loi travail et son monde”.

En deux ans, la période Nuit debout et les multiples questions qu’elle soulève furent traitées par une énorme quantité de livres et d’analyses d’expert·e·s, d’universitaires, de politologues… Est-ce vraiment apporter quelque chose au débat que de rajouter un livre à cette montagne là ?
Dans le cas de cet abécédaire, absolument.

Contre la loi travail et son monde, il fallait écrire pour ne pas oublier. Écrire pour ne pas se faire déposséder de notre histoire. Tenter d’en retenir quelques échos, à partager et à se passer, d’un mouvement à l’autre.

Écrit par deux militant·e·s syndicalistes et habitué·e·s des luttes, cet abécédaire nous offre un regard frais et pourtant critique sur ce long mois de Mars. Loin d’être une analyse froide et clinique d’un mouvement social, c’est une chronique emplie de lacrymos, de cris et de joie qui nous est livrée ici. Livre protéiforme relevant parfois de l’expérience personnelle d’un couple de manifestant·e·s, parfois de l’essai politique, de la poésie ou de l’histoire, “127 jours en Mars” raconte la “jeunesse et la créativité d’une dynamique contestataire qui a revigoré la lutte collective”.

Chapitre “Cortège de tête”
[…] Le 1er mai 2016, la tête de cortège est bloquée boulevard Diderot, pas très loin de la place de la Nation, puis scindée du cortège syndical par les forces de l’ordre. L’objectif des forces de l’ordre est d’isoler “les éléments perturbateurs” pour les interpeller. L’ambiance est tendue, les CRS chargent, gazent. Leur nasse est totale, aucune sortie possible. […] Pendant un temps interminable tout est figé : Cortèges bloqués, cordon de “robocop” au milieu. Mais la solidarité finit par l’emporter : sous la pression des manifestantes et des manifestants, les gardes mobiles se retirent et libèrent le cortège. Ce jour-là, ce sont des milliers de voix qui entonnent, en arrivant à Nation : “Nous sommes tous des casseurs.”
[…]

La Loi Travail, les Nuits debout, les ordonnances, l’état d’urgence… Beaucoup de termes et de pratiques nouvelles dans le champ militant depuis ce printemps 2016. Chaque chapitre de cet abécédaire en aborde une, avec un ton et un style changeant suivant le thème.
          Pour un thème assez similaire, la rupture avec les traditionnelles manifestations syndicales, “Cortège de tête” et “K-ways noirs” proposent deux tons et deux ambiances bien différents. Le premier analyse la géopolitique et les rapports entre cortèges syndicaux et manifestant·e·s autonomes, quand le second nous raconte une pratique nouvelle de contestation, la casse, et comment elle s’organise au sein d’une manifestation.
          “Inversion de la hiérarchie des normes“, “Etat d’urgence” ou “Quarante-neuf trois, et caetera” seront des chapitres plus factuels, techniques et historiques, documentés et dénonciateurs.
          Avec “Maalox” et “Xolaam“, ces médicaments qui, mélangés à l’eau, soignent miraculeusement les brûlures dues aux “Lacrymo“, voici trois chapitres pour parler de l’arsenal policier et de l’auto-défense organisée par les street-médics.

Chapitre “Maalox”
           Je lui asperge le visage brûlé par les gaz et voilà qu’il ouvre les yeux et me demande ce qu’il y a dans mon bidon. “Du Maalox !”. “Ah, merci madame ! Mais vous pouvez acheter aussi du Xolaam. C’est Maalox à l’envers et c’est moins cher !” Alors pour Maalox, voir Xolaam !

26 mots pour embrasser tout un mouvement, c’est bien peu. En ce sens “127 jours en Mars” pourrait être vu comme un ouvrage lacunaire. Mais la volonté n’était pas d’offrir une vision totale d’un mouvement courant sur presque un an, mais d’insister sur ses points forts, ses originalités, ses inventions. Un livre composé par deux personnes nous proposant leur vision, et non celle du mouvement entier, leur vécu et leur analyse, et non une quelconque vérité insipide.

Jamais encore n’avait eu lieu d’occupation de places aussi longue et élaborée que Nuit Debout. Jamais le mois de Mars ne s’était arrêté ainsi. Jamais le gouvernement ne s’était autant servi des ordonnances et du 49-3. Parce qu’il restitue la dynamique collective et l’inventivité du mouvement contre la loi Travail, parce qu’il nous raconte les victoires et les défaites de ces jours et nuits de luttes, les solidarités et les envies révolutionnaires du printemps 2016, ce livre témoignage est porteur d’espoir, de rage, d’une soif de lutte et de lendemain nouveaux.

127 jours en Mars127 jours en Mars
Petit abécédaire combatif contre la loi travail et son monde
Nathalie Astolfi & Alain Dervin
Editions Le passager Clandestin
143 p.

 

Paco

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Chroniqueur

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