Le sorcellerie est connue à travers le monde et les siècles, ses adeptes ont été victimes du XV ème au XV ème siècle d’une traque incessante lancée par le pouvoir religieux en place à l’époque. Les femmes ont été les plus ciblées, dès lors qu’elles semblaient aller à l’encontre du patriarcat ou bien étaient un peu trop plongées dans le mysticisme ou les remèdes naturels d’après les autres citoyens apeurés.
Les premières traces de l’Ordre de Minuit remontent approximativement à cette même période, ses représentantes étant dénoncées puis tuées, mettant ainsi en danger le rôle de barrière qu’elles incarnent entre le monde des esprits et celui des humains.
Dans Midnight Tales, la nouvelle série semestrielle du Label 619 lancée et chapeautée par Mathieu Bablet, les sorcières n’ont pas disparues, bien au contraire, elles se sont regroupées à travers le monde et portent le nom de Midnight Girls. Leur rôle? S’assurer chaque jours que les esprits malfaisants restent loin du quotidien pépère des humains, guider les âmes défuntes vers les portes du paradis et être attentives aux détails occultes.
Dans ce premier opus, on découvre comment s’articule l’univers de Minight Girl: toutes les historiettes sont scénaristes par Bablet mais illustrées par des auteurs différents: ici Singelin, Sourya et Gax, alliant ainsi des ambiances très variées sous une ligne narrative égale. Toutes se passent en des lieux différents à travers le globe et avec de nouveaux personnages, tous féminins et en possession de pouvoirs et de dons magiques, que ce soit celui de voir les âmes mortes, de pratiquer des exorcisme ou de faire apparaitre une arme ectoplasmique.
Loches, Cornouailles, Varanasi et Brattleboro vont voir se dérouler des scènes fantasmagoriques et bizarres où les héroïnes aux allures de Magical Girl sont confrontées à des entités plus ou moins inquiétants: mystérieux Mothman ou créature gigantesque vivant au coeur d’une cité engloutie, tout peut leur tomber dessus à chaque instant.
La force de Midnight Tales réside dans ce large éventail mystico-culturel allant de l’épouvante Lovecraftienne à la Fantasy japonaise. Comme les histoires sont indépendantes les unes des autres tout en étant liées par la même organisation structurée oeuvrant dans le monde entier, la marge de manœuvre est sans limite. Puisant dans les différentes cultures et religions, laissant à d’autres artistes le soin d’exprimer leur vision du scénario à travers leurs dessins respectifs , Bablet se lance dans une aventure sans limite graphique ou géographique.
De plus, l’Ordre de Minuit est principalement matriarcal et fondé sur une passation intergénérationnelle hiérarchisée et bienveillante, rendant à la fois hommage aux « sorcières « du passé en en éloignant l’image satanique et malveillante, mais aussi aux femmes du présent. Ici ce sont des filles et femmes qui sont gardiennes de notre monde, et elles n’ont pas besoin d’avoir la plastique d’une Barbie siliconée pour que leurs aventures soient plaisantes à lire. Toutes les morphologies et toutes les ethnies sont mises en avant, les groupes de Midnight Girls ne sont pas sectaires ni sectarisées et ce sont même leurs différences qui les renforces.
De plus, les courtes bandes-dessinées sont ponctuées par les fameuses planches encyclopédiques que l’on retrouve dans bons nombres d’autres projets du fameux Label 619. Ici, on peut s’informer sur les légendaires cités englouties, lire une nouvelle de Bordier illustrée par Bablet et surtout prendre conscience des crimes de Dot et de la place des femmes et filles en Inde.
Bien que cette mystérieuse société secrète continue d’oeuvrer dans l’ombre, chaque noyau semblant à la fois indépendant et rattaché à un autre… Qui sait, peut-être que les protagonistes de ce premier tome de Midnight Tales sont vouées à se rencontrer? Une chose est sûre, on a hâte d’être à la rentrée pour vite découvrir le prochain volet!
Singelin, Sourya, Bordier, Bablet, Gax
Éditions Ankama
Label 619
139 pages
Caroline