Avant Homo sapienne, un roman groenlandais évoquait instantanément de grandes étendues neigeuses, des aventures polaires interminables. Après le premier roman de Niviaq Korneliussen, un roman groenlandais, c’est un cri, celui d’un peuple oublié, à la dérive, en quête d’identité. Au travers du quotidien de cinq jeunes adultes, et de leurs questionnements intimes, l’auteure dépeint une société et une jeunesse bien loin des clichés littéraires.
Nuuk, capitale du Groenland, moins de 20 000 habitants. En cinq chapitres, on découvre le quotidien de Fia, Inuk, Arnaq, Ivik et Sara. Un frère exilé et sa sœur, leurs amis, de nombreux questionnements et une même solitude qui pèse sur chacun. Fia quitte Peter, qu’elle n’aime pas comme elle pense le devoir. Qu’elle ne désire pas comme Sara, dont la relation avec Ivik n’avance plus. Ivik ne veut pas qu’on la touche, sans avouer pourquoi. Inuk, le frère de Fia, a quitté le Groenland, accusant Arnaq de n’avoir pas su tenir sa langue et d’avoir provoqué un scandale – Arnaq qui fuit toute réalité et responsabilité.
Entremêlant les histoires des cinq protagonistes, l’auteure brosse le portrait d’une jeunesse déboussolée. Rappelant les romans sociaux scandinaves, Niviaq Korneliussen n’enjolive pas la réalité. Les personnages sont perdus, noient leurs haines et leurs peurs dans l’alcool, fuient parfois, mais aiment toujours. Gays, bisexuels, transsexuels, ils tentent de se construire, de vivre, de s’aimer et d’aimer.
Combinant monologues, échanges de sms, cassures de rythme et mélancolie poétique, le tout en trois langues, Niviaq Korneliussen créé une langue singulière. Reflétant une génération groenlandaise qui ne se retrouve ni dans le Danemark, ni dans le Groenland, ni dans l’Amérique vers laquelle elle lorgne. Le symbole d’un peuple qui ne sait comment se définir, mais souhaite être reconnu. Manifeste pour le Groenland, manifeste pour l’amour, manifeste pour la reconnaissance et manifeste pour la jeunesse, Homo sapienne fait partie des romans qui marquent une époque et des générations. Et cela, avec la brutalité d’une nouvelle auteure.
La peuplade
traduction d’Inès Jorgensen
232 pages
Aurore
Le livre est dans ma PAL. Bon, j’avoue, j’ai tendance à bien aimer les univers froids et à vouloir qu’on m’en parle. Celui-ci va détonner un peu mais ça semble très très intéressant. Une prochaine lecture donc 😉