Amelia Gray risque de faire parler d’elle en France. Son premier livre est un bijou d’écriture et de narration. Loin des grands romans américains, qui sont plus classiques dans le fond et la forme, nous découvrons sous notre regard interrogatif et médusé, la plume d’une auteure qui avec Menaces ose briser les codes et nous faire basculer dans l’absurdité et la bizarrerie d’un homme.
Une auteure dont le nom ne vous évoque certainement rien, mais je suis prêt à parier que vous connaissez déjà son travail. Pour ceux qui regardent des séries du moins. Amelia Gray a travaillé sur la série Mr. Robot et sur l’excellente série Netflix Maniac. Elle est également l’auteure de deux romans et de trois recueils de nouvelles qui ont été publiés et unanimement salués par la presse et les lecteurs aux Etats-Unis.
Menaces c’est l’histoire d’un deuil. D’un mari ayant perdu sa femme. D’un homme ayant perdu tous repères. David est un ex-dentiste qui a vu sa femme mourir chez eux et qui ne comprend plus rien depuis. Tentant tant bien que mal de remettre les choses en place, de comprendre la cause et les conséquences du décès de sa femme, Franny, ainsi que menant l’enquête sur de mystérieux bouts de papiers apparaissant chez lui et étant noircis de menaces, David se retrouve projeté dans un univers qui lui semble familier mais qui ne résonne plus de la même manière et donne l’impression de marcher sur la tête…à moins que ce soit David qui déraille totalement.
Il s’agit ici d’une œuvre tentaculaire et intimiste, un livre des paradoxes, éclairée par différents artifices et donnant à voir le portrait d’un homme à travers une vitre fendue et usée par le temps. La frontière entre réalité et délire névrotique est si fine que nous nous retrouvons surpris à ne plus comprendre la logique par moment et finir par accepter de suivre David dans son univers. Un glissement de terrain si subtil et pourtant si fort, qu’il ne laisse pas le lecteur indifférent.
Nous entrons progressivement dans ce monde et ne pouvons qu’admirer le talent d’Amelia Gray, qui, dès lors casse les codes de la logique et du bon sens, s’autorise à nous faire éclater son univers poétique et angoissant, sombre et apaisant, décalé et pertinent. Un univers des paradoxes, qui n’est pas sans rappeler la série Maniac.
Un premier roman puissant et décalé faisant écho aux débuts de Chuck Palahniuk, Craig Clevenger, Curtis White ou Dustin Long. Une écriture très visuelle et incisive pour une histoire de deuil et de l’impossibilité de retrouver ce qui n’est plus. Assurément le coup de cœur de cette rentrée littéraire.
Éditions de l’Ogre,
trad. Théophile Sersiron,
336 pages
Ted