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pierre autin grenier portrait

Le traditionnel Top 5 d’Alexandre

2019 a laissé la place, il est donc l’heure de dresser la liste des livres les plus marquants de cette année. Un top 5 forcément subjectif, lacunaire et très orienté, où l’on retrouve des femmes anglo-saxonnes et des auteurs français aussi fous que fascinants.

  1. Souvenirs de l’avenir – Siri Hustvedt – Actes Sud

souvenirs de l'avenir siri hustvedt actes sudUne écrivaine d’une soixantaine d’années, réputée et confirmée, retrouve le cahier qu’elle tenait lorsque, à vingt-trois ans, elle débarquait à New York depuis son Minnesota natal pour démarrer sa carrière littéraire qu’elle espérait folle et accomplie. Souvenirs de l’avenir est un roman (quasi autobiographique, supposément) stimulant et prodigieux, où se mêlent les voix d’une même femme à deux moments de sa vie – et donc, de deux personnes parfaitement différentes. Ce va et vient permet d’aborder des questions essentielles liées au souvenir, au présent, à la réécriture de ces souvenirs à la lecture de ses conséquences. Un roman intelligent sur le temps qui passe, sur le processus d’écriture et sur le combat des femmes, depuis des décennies, pour la liberté.

  1. La transparence selon Irina – Benjamin Fogel – Rivages

la transparence selon irina benjamin fogel rivages couvertureRoman d’anticipation incroyablement glaçant (donc réussi) où la description d’un monde parfaitement plausible nous interroge sur notre identité, sa mise en scène et sa véracité. Chacun des personnages de ce roman possède une identité sur le Réseau – sorte d’Internet nouvelle génération – virtuelle certes mais où il est impossible de tricher, où il n’y a nulle place pour les zones d’ombre et les dissimulations, et une identité dans la vie réelle (humaine, pourrait-on croire) où chacun a encore le choix de cacher ou non ce qu’il souhaite (son nom par exemple). Pour creuser davantage le vertige, on peut trouver ici un entretien avec l’auteur, Benjamin Fogel.

  1. L’ami – Sigrid Nunez – Stock

sigrid nunez l'ami stock couvertureRécit stimulant par excellence, L’ami raconte l’improbable cohabitation d’un chien énorme et d’une femme peu enthousiaste à l’idée de récupérer ledit animal à la mort de son maitre. Mais c’est aussi, et surtout, le récit d’une femme qui a consacré sa vie à l’écriture et à son enseignement qui s’interroge sur la place de la littérature aujourd’hui, son pouvoir et son utilité, sur le créateur et l’homme qui se cache derrière (pour faire écho aux débats provoqués par les affaires Polanski, Céline ou autres), qui s’interroge sur la notion d’amitié, sur les rapports entre l’humain et l’animal, au dévouement, à l’amour aveugle, au suicide. Un roman/récit/essai passionnant, brillant et érudit (pour une déclaration d’amour complète, c’est ici).

  1. La fracture – Nina Allan – Tristram

fracture nina allan tristramLabyrinthique et entêtant, fascinant et obsédant, génial et inspirant : il n’existe aucun défaut au roman de Nina Allan. Une jeune fille disparaît et réapparait vingt ans plus tard. Nous suivons l’intimité des pensées de sa jeune sœur, à la fois heureuse et tourmentée d’avoir retrouvée sa sœur ainée après avoir mis tant de temps à en faire le deuil (avec, comme conséquence, une famille disloquée et une ambition personnelle tuée dans l’oeuf pour, inconsciemment, ne pas s’éloigner de la sœur disparue). Puis, dans une seconde partie, nous écoutons, bouche bée, médusé, incrédule ou emballé – transporté – le récit de Julie, la disparue. Son récit est incroyable, au sens propre du terme. Son récit flirte avec le fantastique, la science-fiction, le démentiel. Comme dans un épisode de The Leftovers, la question est de croire – ou non – sans essayer de comprendre. Comme dans un épisode de Twin Peaks, il faut collecter les indices cachés, les demi phrases qui résonnent entre les deux mondes, traquer les détails qui font basculer dans une croyance ou une autre. Vertigineux.

  1. L’aide à l’emploi – Pierre Barrault – ed. Louise Bottu

l'aide à l'emploi pierre barrault louise bottuEn ouvrant ce livre, ne vous attendez à rien de connu, ne vous attendez pas à trouver ça et là des repères narratifs pour vous rassurer. Les esprits les moins aventureux diront : tiens, c’est dans la même lignée que Beckett. Oubliez tout ça. On entre dans un livre de Pierre Barrault comme on pousse la porte d’un bar inconnu : on ne sait pas ce qui nous attend, mais on se laisse volontiers envelopper par une lumière divine qui réchauffe et qui chatouille le cœur. Quelque chose vibre, et ce qui compte n’est pas de mettre le doigt dessus, c’est d’apprécier la vibration et espérer qu’elle dure le plus longtemps possible. Dans le cas de L’Aide à l’emploi, elle dure 152 pages. Si une sensation de manque se fait sentir – et elle se fera sentir, vous pouvez parier là-dessus – il existe 172 pages dans son livre précédent Clonck et ses dysfonctionnements.

S’il faut être plus précis, on pourrait tenter un résumé laconique : un type monte dans un bus qui pourrait tout aussi bien être un corbillard qu’une voiture blindée présidentielle, à la recherche de son propre intestin qui pourrait tout aussi bien être au chaud à l’intérieur de son corps ou éclaté le long de la route ou dans le corps d’une gastro-entérologue, tandis que son conseiller d’aide à l’emploi le pourchasse dans une ville fantôme ou surpeuplée ou les deux pour lui proposer un nouvel emploi ou quelque chose d’encore plus absurde. Oui, voici un résumé fidèle du livre.

Mais ce n’est pas ça l’important. L’important c’est l’improbable à chaque page, c’est le rire qui habite le lecteur, qui le hante – au sens qu’il prend possession du corps et le secoue à chaque paragraphe – ce sont les images aussi absurdes que poétiques qui traversent le roman. L’important, ce sont les nouvelles lois de la physique qui rendent iniques et minuscules les précédentes. Le monde que Pierre Barrault décrit pourrait exister, la probabilité qu’il existe n’est pas plus faible que la probabilité que le monde dans lequel nous vivons existe bel et bien. Alors, pourquoi ne pas s’y plonger, pourquoi ne pas s’y abandonner ? Rejoignez-moi là-bas, on y rit bien davantage qu’ici.

Bonus : Pierre Autin-Grenier réédité dans la collection La Petite Vermillon de la Table Ronde

pierre autin grenier portrait2019 a aussi marqué la résurrection de l’ami Pierre Autin-Grenier, décédé en 2014, par la grâce des éditions La Table Ronde qui ont eu la bonne idée de rééditer plusieurs de ses romans : Je ne suis pas un héros, Toute une vie bien ratée, L’éternité est inutile (regroupés en un seul volume) et Friterie-Bar Brunetti. Des romans à l’image de leur auteur : des histoires d’amitié éthylique, de dégustation d’andouillette, de lucidité sur le devenir de l’humain, sur la nécessité de s’abandonner à l’improbable pour conserver une certaine santé mentale. PAG, c’est Dionysos fait écrivain. Je me souviens de sa voix éraillée, de son rire sincère, de ses verres de vin et de ses mâchons matinaux. Le relire, toutes ces années plus tard, le fait réapparaitre, et c’est là un cadeau merveilleux.

Lisez Pierre Autin-Grenier, vous verrez les choses avec le cœur bien plus léger. Lisez Pierre Autin-Grenier et allez au bar le plus proche de chez vous et commandez un verre et restez au comptoir et tournez vous vers le type qui se tiendra juste à votre gauche, ou à votre droite selon votre humeur, et entamez la conversation. Vous vous ferrez de nouveaux amis, même si vous n’en voulez pas.

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Alexandre

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