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Joseph Mitchell – Old M.Flood / Arrêtez de me casser les oreilles

A ma gauche le vieux M.Flood, à ma droite l’injonction au silence. A n’en pas douter ce début d’année est placée sous le signe du grand Joseph Mitchell et la publication de deux recueils aux éditions du Sous-Sol.

Le célèbre journaliste du New Yorker continue son bonhomme de chemin auprès des lecteurs français, grâce au travail de publication de l’éditeur. Ainsi, après six publications en sept ans, les éditions du Sous-Sol façonnent encore un peu plus la réputation de Joseph Mitchell. La mythologie littéraire se complète ici avec une fiction composite et des souvenirs de jeunesse.

Old M.Flood, le “fruitdemerien”, comprenez ici qu’il ne se nourrit que de produits de la mer. Du haut de ses quatre-vingt-treize ans il espère bien arriver à cent quinze ans, ce qui serait un bon âge pour mourir selon lui. A travers trois articles nous découvrons ce personnage à l’excentricité toute singulière et le suivons à travers le marché aux poissons. Un ensemble de portraits des travailleurs, des rencontres et des dialogues croustillants parsèment ce recueil. Trois articles pour un personnage haut en couleur et en considération. M. Flood est une invention de Joseph Mitchell, s’inspirant très largement de sa personnalité ainsi que des rencontres qu’il a pu faire sur ce marché.

Et toute l’intelligence de ce journaliste ce situe ici, par le truchement de ce personnage c’est tout une culture qui est mise en avant. Autant de portraits des travailleurs du marché, des ses habitués ainsi que des anecdotes regorgeant de détails. Mais lors de la publication, le rédacteur en chef et l’auteur avaient pris le parti de ne pas révéler la supercherie. Ce qui entraîna, lors de la publication du premier article, un engouement tel, que des lecteurs se rendaient dans l’hôtel où était supposer vivre M.Flood pour pouvoir le rencontrer.

Arrêtez de me casser les oreilles, quant à lui, revient sur les écrits de jeunesse de Joseph Mitchell. Ses débuts comme journaliste, ses premiers articles, et son attachement naissant pour un certain type de portrait. Découpé en huit parties, ce recueil d’articles trace le portrait de la vie des bas fonds de New York. Que ce soit dans les bars, Le glamour du journalisme et la réalité des faits, les sportifs et les ivrognes, etc… Des portraits mettant en lumière et commençant à dévoiler un trait si caractéristique de l’auteur : son amour des personnalités fortes et singulières et cette finesse dans ses retranscriptions.

Qu’il est intéressant de découvrir l’auteur sous cette période, de voir son style très lent et particulier de ses précédents textes, enfin de ses textes les plus récents chronologiquement, ici remplacé par une spontanéité et un amusement tout à fait particulier. Très proche d’un John Fante dans le style, l’auteur développe des portraits plus dynamiques, alternant d’un personnage à l’autre, s’attachant à décrire avec minutie le dynamisme d’une scène. Des articles qui swings, sentent la nuit New Yokaise et la vie.

Ce qui en ressort, à la lecture de ses deux recueils, c’est de l’admiration. Une admiration pour un auteur protéiforme, mais qui a toujours su garder son talent pour décrire la vie new-yorkaise et l’âme humaine. Un auteur qui a su se mettre au diapason de ce qu’il décrivait, qui a appris avec le temps à laisser respirer ses textes et donner de la profondeur aux personnalités qu’il retranscrivait dans ses articles. Toujours fin et perspicace, Joseph Mitchell aura été très certainement, avec des auteurs tel que Dos Passos, le témoin de l’âme new yorkaise et d’une période fourmillante.

Editions du Sous-Sol,
Feuilleton Non-Fiction,
Trad. Lazare Bitoun,
127 et 280 pages,
Ted.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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