Vis-à-Vis, cinquième roman de Peter Swanson ( quatrième à être édité en France), débarque chez Gallmeister dans la collection Americana sous la direction de François Guérif. « Before she knew him » en version originale joue sur une mécanique singulière et pourtant maintes fois employées dans la littérature comme au cinéma. Alors que vaut ce roman ?
Hen et Lloyd viennent d’emménager dans un quartier d’une petite ville proche de Boston. Elle est une illustratrice psychologiquement instable et sous traitement, et lui travaille sur Boston. Ils font la connaissance de leurs voisins lors d’une fête de quartier et très vite finissent par se faire inviter à manger chez eux. Une rencontre, plutôt classique et convenue, mais qui va prendre une tournure particulière. Hen, lors de la visite de la maison de Mathew et Mira, va apercevoir un trophée d’escrime dans le bureau de Mathew. Un trophée qui va la perturber plus que de raison.
Cet objet est en effet lié à un meurtre qui avait obsédé Hen quelques années en arrière. Ce trophée va pousser Hen à comprendre que Mathew est le meurtrier . Mais Mathew, plutôt fin observateur, comprend très vite qu’elle sait, et Hen réalise petit à petit que Mathew a compris à son tour. Dès lors une valse macabre va se mettre en place.
Vis à Vis, par le jeu du voyeurisme et du non-dit construit une intrigue plutôt classique. Un potentiel tueur, une voisine qui s’intéresse d’un peu trop près, et un jeu du chat et de la souris sournois et implicite se met en place. Mathew cherchant à satisfaire son besoin, Hen cherchant les preuves de sa culpabilité. La mécanique se met rapidement en place et l’on pourrait s’attendre à une redite sans saveur particulière.
Mais là où Vis-à-Vis devient intéressant, c’est par le biais psychologique. En effet, les troubles psychologiques de Hen, son passé psychotique et dépressif, la pousse dans des situations où sa crédibilité est mise à rude épreuve, même par son mari Lloyd ou la police. Dès lors comment convaincre et prouver ce que l’on avance, si notre passé joue contre nous et nous empêche de faire éclater la vérité.
Jouant sur l’alternance de points de vue, nous suivons également le parcours et la psychologie de Mathew. Un point de vue, peut-être un peu moins intéressant dans le premier tiers, mais qui va prendre une place importante et cruciale par la suite, jusqu’au dénouement plutôt surprenant. Cette alternance permet de revenir sur certaines scènes, à plusieurs reprises, Offrant une vision quasi totale de l’événement et des enjeux . L’intrigue se déploie comme une partie d’échec, et le lecteur en tant que spectateur se retrouve à apprécier l’ensemble du plateau et voit évoluer chaque pion.
Finalement ce roman, malgré quelques longueurs et quelques passages paradoxalement bâclés là où le texte aurait eu besoin de respirer ou de jouer sur les tensions, est un roman noir efficace et intéressant de part son versant psychologique et son dénouement surprenant et réussi. La traduction de Christophe Cuq est impeccable, et le chapitrage court donne une certaine urgence au déroulement de l’histoire.
Les éditions Gallmeister,
Collection Americana,
Trad. Christophe Cuq,
399 pages.