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Daniel Grenier – Françoise en dernier

Comment Françoise, l’héroïne adolescente du dernier roman de l’auteur québécois Daniel Grenier aurait-elle vécu l’actuelle période de confinement à laquelle nous faisons face ? Difficile de croire qu’elle aurait abordé l’épreuve de façon sereine, tant son tempérament plein de fougue et son incapacité à rester en place sont au cœur de ce roman plaisant, tout à la fois profond, intime et énergique.

Nous sommes à l’été 1997 et Françoise, dix-sept ans, prend goût au vol à l’étalage, au squat, aux maisons inoccupées. Elle s’ennuie dans sa banlieue, veut voir plus grand, se rêve ailleurs. Elle rêve au Seattle de Kurt Cobain. Elle rêve au destin d’Helen Klaben, une femme ayant survécu quarante neuf jours sans nourriture dans la jungle glacée du Yukon, après qu’un accident d’avion l’ait cloué là, en compagnie de l’aviateur qui l’accompagnait.

Françoise cherche un frisson, n’importe quoi pour l’emporter loin de chez elle. Elle cherche un sens à donner à tout cela – cette routine, cette vie, ce manque de saveur. Elle cherche une direction. Elle se souvient du soir de son quinzième anniversaire où, avec quelques amies, elle s’est amusée à démonter et désorienter les panneaux de signalisation de son lotissement. Françoise ne veut aucune route tracée, elle cherche les détours, elle cherche l’ailleurs.

Le déclic arrivera un soir où, taguant un wagon dans une gare de triage, elle remarque que l’un de ses précédents graffitis a été tagué à son tour. Comme le message laissé dans une bouteille jetée à la mer, celui-ci a obtenu une réponse. Mary, qui lui a répondu, semble habiter un petit patelin du Tennessee, aux États-Unis. C’est le début de l’aventure.

Une aventure qui la mènera à traverser les États-Unis d’est en ouest, jusqu’en Californie, sur la trace de Helen Klaben. La figure de cette femme qui n’a jamais demandé à être l’héroïne qu’elle est devenue la fascine. L’étincelle que Françoise attend pour donner consistance à sa vie a embrasé le destin de Helen Klaben au-delà de l’imaginable. Munie de l’autobiographie de la rescapée trouvée au hasard des librairies d’occasion de Montréal, Françoise s’abreuve de son verbe comme s’il s’agissait d’une nouvelle Bible. Rien ne l’intéresse plus que cette histoire. Au point de reprocher à tous ceux qu’elle croise sur sa route de ne pas la connaître.

helen klaben

Françoise en dernier coche toutes les cases du roman sur la route. Une adolescente qui essaye de se construire en cherchant ses modèles, une fuite de la demeure familiale qu’elle considère inconfortable (malgré des parents compréhensifs), les rencontres avec des personnalités différentes. Ce qui reste curieux, à la lecture de ce roman, c’est que ces rencontres ne semblent pas faire évoluer Françoise, trop attachée à la figure tutélaire d’Helen Klaben. Elle partage une grande partie du voyage avec Sam, une fille tout aussi paumée qu’elle, sans pour autant que l’une nourrisse l’autre. Au contraire, la voiture dans laquelle elles roulent jusqu’au Yukon est davantage le lieu de friction, d’incompréhension et de silence. Françoise ne cherche peut-être pas la révélation au contact des autres pour évoluer en tant qu’adulte, elle attend simplement de prendre la route qu’Helen Klaben a prise malgré elle. Comme un pèlerinage de fan davantage qu’un voyage pour révéler son intériorité, pour se révéler à soi-même.

« Et Françoise s’est mise à parler d’Helen Klaben, encore une fois. Elle s’est assurée qu’elle n’ennuyait pas Sam. Elle lui a demandé si ça l’ennuyait, cette histoire d’écrasement et de survie à laquelle elle revenait sans arrêt, et Sam lui a répondu mais non, je te connais assez bien maintenant pour savoir que, sans cette histoire-là, t’es pas vraiment toi-même. »

Un roman de voyage est souvent une quête d’identité. Quelle importance si cette identité est celle de quelqu’un d’autre ?

Alexandre

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Daniel Grenier

Le Quartanier

217 pages – 2020

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Chroniqueur

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