Continuons notre petit tour de sélection aujourd’hui avec Estelle des éditions Asphalte!
La maison fête cette année les 10 ans de la collection des “Villes noires”, avec pour l’occasion une opération en librairie dès le 28 mai : pour deux recueils achetés un carnet de voyage offert. Cerise sur le gâteau, cet évènement sera complégté par la re-parution de Londres Noir (dirigé par Cathi Unsworth) et de Los Angeles Noir (dirigé par Denise Hamilton, avec notamment une nouvelle inédite de Michael Connelly).
Nous en profitons pour remettre une couche, au passage, sur l’exceptionnel et indispensable “1977” Guillermo Saccomanno! un grand texte argentin halluciné et captivant!
YEGG de Jack Black, traduit par Jeanne Toulouse, Les Fondeurs de Briques
La vie de Jack Black, authentique brandit des grands chemins, dans le dernier quart du 19e siècle aux Etats-Unis, cambrioleur, prisonnier, en cavale, que l’on suit avec délice dans son périple à travers le pays, entre bleds paumés, villes fantômes, trains de marchandises, fumeries, prisons. A la découverte de personnages tous marginaux, tous hobos, tous exclus. On est à la fois dans le western, le roman d’aventures, le noir.
NB : le roman a été réédité depuis sous le titre Personne ne gagne (Monsieur Toussaint Louverture).
OUBLIE QUE TU RESPIRES de Karen De Martin Pinter, traduit par Vincent Raynaud, La Dernière Goutte
On plonge, c’est le cas de le dire, dans un monde sous le monde, celui des profondeurs, et de l’apnée. Giuliano apprend chaque jour à oublier l’élan vital par excellence : respirer. Le champion en devenir et son entraîneur Maurizio habitent ce récit d’apprentissage et de victoire sur soi-même, dans un univers à part. Pour peu que l’on pratique l’apnée ou que la question du sport en littérature nous intéresse, c’est ici un beau texte qui accompagne longtemps. La langue est fluide et le texte se teinte de spirituel et d’onirique quand le personnage débarque sur une petite île japonaise. Envoûtant.
VERMILLION SANDS, de JG Ballard, traduit par Alpérine, Casseau, Dorémieux, Le Bussy, Louit, Massun, Rosenblum, Sigaud, Straschitz, dans l’édition publiée de Tristram
Relu pendant le confinement, ce recueil de nouvelles de Ballard est un exemple de ce que la littérature peut créer chez son lecteur : l’impression d’avoir vécu un temps dans un espace irréel et persistant. A Vermillion Sands, ville balnéaire devenue has-been, les personnages sont soit artistes, soit richissimes, soit des stars déchues, mais tous excentriques et léthargiques. Tout est poussé à l’extrême dans ce lieu cerné par le sable, peuplé de plantes chanteuses, de maisons changeantes et de nuages sculptés. Tout est troublant, tout est génial.
DULUTH, de Gore Vidal, traduit par Philippe Mikriammos, Galaade
Duluth ? Encore une ville imaginaire, où l’on navigue constamment entre fiction et réalité, les personnages de l’intrigue et ceux du feuilleton éponyme se côtoient et se confondent sans cesse. Est-on dans cette ville ou dans ce feuilleton ? Un moment de lecture satirique à souhait, sur la société du spectacle et l’industrie du divertissement, les rapports entre fiction et réalité. Drôle, vraiment.
NEONS de Denis Belloc, Le Chemin de fer
Ouvrir ce témoignage de Belloc sur ses jeunes années et la découverte de son homosexualité, c’est entreprendre à ses risques et périls un voyage urbain et nocturne dans un Paris contenu entre Belleville et Barbès, ses pissotières, ses impasses poisseuses, les rencontres fugaces. La langue est franche, crue, elle déborde de gouaille et de danger.
LA FERME DES MASTODONTES, de Mike Klein traduit par Quentin Leclerc, L’Ogre
Ce premier roman est une claque, qui donne envie de relire tout Bret Easton Ellis. Dès les premières pages, on est pris à la gorge par style ultra-minimal, un univers superficiel saturé de noms, de marques, de possessions, de luxe et de soleil californien. Et pourtant, il n’est question que de vide, de détachement, de descriptions cliniques, de quotidien qui se répète jusqu’à l’absurde, de personnages qui n’échangent rien. Un aspect lisse pour un texte loin d’être inoffensif. On en redemande.
ET FRAPPE LE PÈRE À MORT, de John Wain traduit par Paul Dunand, Le Typhon
Un hymne au jazz et à la révolte dans l’Angleterre d’après-guerre. La force du roman tient dans la pluralité des points de vue narratifs. Le fils, pianiste en rupture familiale, mais aussi le père et sa sœur portent chacun une part de ce récit solide et intergénérationnel.
SAMEDI SOIR DIMANCHE MATIN, de Allan Stillitoe traduit par Henri Delgove, L’Echappée
Dans sa vie scandée par les horaires de l’usine, le week-end, et surtout le samedi soir est une bouffée d’air pour Arthur. Sorties, pubs, alcool, femmes, il profite à corps perdu de cet espace de liberté. Ce livre est un état d’esprit à lui tout seul, celui de la working class anglaise.
LA SCIERIE, récit anonyme, Héros Limite
Un texte durablement marquant. La Scierie est le récit anonyme d’une jeune bourgeois décidé à trouver un emploi manuel. En ressort ce texte, qui raconte deux ans passés à travailler dans une scierie, où le protagoniste, devenu ouvrier, met tous nos sens en alerte, nous faisant partager l’âpreté de sa tâche, la rugosité du bois, l’odeur des copeaux, la douleurs des blessures – et la cruauté des hommes.
INCOGNITA INCOGNITA ou le plaisir de trouver ce qu’on ne savait pas, de Mark Forsyth, traduit par Marie-Noël Rio, Le Sonneur
Quoi de plus réjouissant par les temps actuels que lire cet hommage aux bonnes librairies, si l’on n’était pas encore convaincu ?