Les Aventuriers de l’Étrange est une toute jeune et surtout très prometteuse maison d’édition, ayant comme volonté d’ouvrir la porte du merveilleux à leurs lecteurs, quelque soit leur âge, afin de leur offrir un nouveau regard, une nouvelle perspective, plus tournée vers l’extraordinaire qui se trouve tout autour d’eux.
Núria Tamarit (Géante) y publie Le conte du genévrier, troisième volume d’une série centrée autour des contes de Grimm dont chaque tome est illustré et scénarisé par un auteur différent.
Assez peu connue comparée à celle de Cendrillon, du petit Chaperon Rouge ou encore des musiciens de Brême, cette légende est pour autant tout aussi marquée par la cruauté et le fantastique que ses consœurs. À l’époque, ces histoires servaient à retranscrire un quotidien souvent rude et incertain : elles regorgeaient de sens profonds, de messages subliminaux et mettaient en garde les plus jeunes contre certains dangers (cf le fameux “Grand Méchant Loup”, allégorie du prédateur sexuel par exemple).
Ici, tout commence au creux des montagnes, au sein d’un foyer aimant et paisible. Celui de Jakob et d’Anja, un couple dont le bonheur est cependant entaché par l’impossibilité d’avoir un enfant. Un beau jour, alors qu’Anja épluche une pomme aux pieds d’un grand genévrier, elle se blesse au doigt. Son sang se répand sur la neige immaculée, et à cette vue elle prononce alors le vœu d’avoir un « enfant blanc comme la neige et vermeil comme ce sang ». Quelques mois après, né Wilhelm. Au même moment, sa mère elle-même succombe à ce nouveau bonheur si intense.
Jakob se remarie quelques années plus tard avec Gabrielle, et Wilhelm devient alors le grand frère de la petite Marleenken. Bienveillant et attentionné envers sa petite sœur, le jeune garçon est pourtant totalement rejeté par sa belle-mère. Est-ce à cause de son albinisme ou bien plutôt, car celle-ci se laisse lentement dévorée par ses démons intérieurs, sa jalousie et sa haine irrationnelle envers ce garçonnet pourtant si doux ? Comme dans tout bon conte qui se vaut, la belle-mère est une véritable marâtre, prête à tout pour se débarrasser des preuves d’un ancien amour dont elle n’était pas protagoniste. Et sous prétexte de vision diabolique menaçante et de chantage perfide, voilà qu’un beau jour elle décapite Wilhelm. Bonne ambiance au cœur de cette famille recomposée de l’ancien temps.
Au lieu de s’arrêter à ce crime déjà odieux, elle ne va pas hésiter à inclure et sa propre fille et Jakob dans son méfait… Mais le genévrier sait tout, et bien que taiseux et immobile, il n’en est pas moins le protecteur magique du jeune garçon, à qui il va offrir la liberté de conter son histoire et de sauver sa famille de cette femme cruelle. Elle finira brûlée par les feux de son propre enfer, celui même qui la consumait lentement depuis longtemps déjà.
Núria Tamarit nous plonge dans un univers envoûtant et étrange, grâce notamment à son travail de textures et à ses dessins tout en rondeurs, qui apportent un côté doux et un peu candide à cette histoire sanglante. Elle crée une dynamique de lecture rapide, où l’on comprend en quelques cases les caractères respectifs de chaque personnage, sans jamais tomber dans le pathos ou le morbide.
En effet, les illustrations sont lumineuses, pareilles à une ribambelle de vitraux comptant la dure épopée du petit Wilhelm et la dualité entre le Bien et la Mal. L’innocence et la fausse culpabilité. Cependant la narration assez dépouillée choisit par Núria Tamarit, laisse libre court à l’interprétation de la morale finale. L’aspect autrefois primordial du sermon caché au cœur de chaque conte est ici gommé, et en offre ainsi une lecture plus moderne.
Aussi bien pour les plus jeunes grâce à son aspect coloré et sincère que pour les plus grands par la beauté des illustrations, Le conte du genévrier tient la promesse d’être “Merveilleux “.
Éditions Les Aventuriers de l’Étrange
52 pages
Caroline