Retenez ce nom, Mary Robinette Kowal, cette autrice originaire de Caroline Du Nord n’aurait jamais du écrire. Marionnettiste de formation, ayant notamment travaillée pour des émissions telles que Sesame Street ou Bienvenue à Lazy Town, elle se cassa le poignet durant une répétition de La Petite Boutique Des Horreurs. De son malheur, va naître son second métier. Ainsi, Mary Robinette Kowal va se mettre à écrire un feuilleton pour son frère et ses enfants, habitants en Chine, ce qui de fil en aiguille va la mener à écrire des romans et des nouvelles. Le genre, celui du cœur et de la politique, de l’engagnement, de la Science Fiction pour dire le monde et parler de ses possibles.
Une trentaine de nouvelles plus tard, sort le premier roman de l’autrice, inédit en France et surtout premier tome d’une série, celle de Jane Ellsworth. Le temps passant les publications aussi, nous arrivons en 2013 et un recueil de nouvelles, celui de Lady Astronaut, un court recueil de 120 pages, et un personnage, celui d’Elma York, la première femme astronaute. La graine était plantée, il n’y avait plus qu’à laisser germer… Jusqu’en 2018 !
Vers les étoiles, c’est l’histoire d’une météorite s’écrasant sur Terre en 1952. Plus précisément au large de Washington. C’est l’histoire de réactions en chaîne qui vont à moyen terme rendre la vie sur Terre inhabitable. C’est l’histoire du programme spatial dans ce contexte. Mais « Vers les étoiles » c’est également une histoire de femmes, et en particulier d’Elma York, une talentueuse mathématicienne, et ancienne pilote durant la seconde guerre mondiale. C’est le combat d’un groupe de femmes qui ont pour ambition de devenir Astronaute. Mais en plus de devoir se battre, pour avoir une chance de grimper dans une fusée, elles doivent se confronter au regard patriarcal et combattre bon nombres de préjugés. C’est enfin une société obligée d’évoluer dans l’urgence et recentrer sur l’essentiel.
Lady Astronaute est une série en trois tomes à ce jour (2021). “Vers les étoiles” est le premier tome et revient sur la genèse du programme spatial ainsi que sur la naissance de cette figure héroïque qu’est Elma York. Quelle ambition de la part de l’autrice!
Proposer une relecture et donner un regard tout autre sur le programme spatial Gemini, puis Apollo, sur fond de fin du monde, aurait pu être très piègeux, voir ennuyeux, mais sa proposition est une réussite du début à la fin.
Prenant le parti d’une écriture quasi-journalistique pour raconter l’histoire, Mary Robinette Kowal est vraiment généreuse en terme d’anecdotes, de théories scientifiques et surtout d’une précision redoutable sur l’aviation et l’aérospatial. Le pire dans tout cela, le lecteur ne se retrouve jamais perdu, et pas une seule fois il ne s’ennuie. Au contraire, c’est exactement le genre d’auteur/rice qui vous fait vous sentir intelligent, où tout est clair et où chaque propos est pertinent et apporte quelque chose à l’histoire.
Et puis quelle finesse du traitement dans la relecture du programme spatial en osant intégrer les femmes. Jamais manichéen, toujours pertinent dans le propos et l’analyse, l’autrice donne à réfléchir sur le rôle de chacun dans les schémas que nous reproduisons et les possibilités que l’humanité a raté dans son Histoire.
Vers les étoiles, n’est pas un grand roman de Science-Fiction, dans le sens où il n’y aura pas des passages qui vous en mettent plein les yeux. Nous sommes plus dans un excellent roman de Science-Fiction minimaliste et intimiste, qui propose une relecture de notre Histoire et prépare surtout aux événements des tomes suivants.
Fin, intelligent, pertinent, captivant et même osons le dire jouissif par moment, “vers les étoiles” est une réussite à découvrir autant pour le propos que la relecture historique ou l’émerveillement d’un possible qui aurait eu encore plus de classe si les femmes avaient eu les mêmes chances du début.
Éditions Denoël,
Lunes d’Encre,
Trad, Patrick Imbert,
560 pages,
Ted.