Paru en 1928, Orlando est l’un des romans les plus célèbres de Virginia Woolf. Il s’agit d’une histoire extrêmement riche, une sorte d’hybride littéraire à plusieurs paliers.
Il se trouve que Delphine Panique a eu la très bonne idée de se lancer dans sa propre interprétation du texte, en s’appuyant sur les souvenirs à la fois marquants et flous d’une lecture faite il y plusieurs années.
Les éditions Misma en proposent aujourd’hui la deuxième édition, dans un ouvrage travaillé agrémenté de dorures et d’un prologue en couleurs, et qui a toute sa place aux côtés de l’Orlando initial.
Cette adaptation très libre se base sur la trame centrale du premier récit : on y suit Orlando, un jeune poète en soif d’aventures et de liberté, resté dans une jeunesse éternelle, vivant mille vies au travers de voyages extraordinaires et changeant de sexe au passage. Mais de la mémoire vacillante de Delphine Panique naissent de nouveaux personnages totalement loufoques, des VTT et des automobiles côtoient des calèches et Orlando prend ainsi une nouvelle forme. De sa chère colline anglaise à son périple à travers l’Europe avec un prince, du patin à glace avec son amoureuse Sasha au chapiteau d’un cirque ambulant, i·elle se lance dans un voyage initiatique marqué par le hasard et les rencontres.
Si le roman initial est résolument féministe, cette réécriture questionne plus en profondeur les questions du genre et de la sexualité, en intégrant notamment des personnages queers ou asexué·es, tout en interrogeant les rapports de classes sociales et d’ouverture à l’autre.
Une nouvelle histoire s’écrit alors, dans un ton frais et délicieusement farfelu, apportant une autre dimension à un roman déjà incroyablement riche et complexe. De plus, derrière ses blagues et ses références éclectiques aussi bien à la pop culture qu’à la littérature, Delphine Panique ne cède pas à la facilité. Elle retranscrit parfaitement l’aspect nébuleux et philosophique qui reste en flottement après la lecture de l’Orlando initial.
De plus, la quête de la sérénité, la réponse au bonheur et l’envie de créer une poésie parfaite sont des sujets tout aussi importants ici. D’ailleurs, les poèmes (écrits par Sophie Régnier) énoncés par Sasha (qui est tout aussi l’amante que la guide spirituelle d’Orlando) sonnent très juste, et ponctuent ces pérégrinations de souffles lyriques et introspectifs.
Le dessin très fin et presque timide de l’autrice, combiné avec ses souvenirs de l’épopée originelle instaurent une ambiance très intimiste et sensible, provoquant comme un étonnement contemplatif.
Delphine Panique signe ici un roman graphique aux allures d’O.V.N.I. sensible et ingénu, dont la loufoquerie assumée ne dessert en rien le fond philosophique. Un ouvrage étonnant, possédant une richesse toute atypique.
Misma
228 pages
Caroline