On ne peut pas mentir avec la mort ou la perte. Le temps du deuil est souvent celui d’une profonde sincérité, les larmes en témoignent. Écrire le deuil est un exercice délicat surtout lorsque l’on veut retenir le vivant comme le fait Marie de Quatrebarbes dans Les vivres. Elle écrit comme parlerait un enfant, dans toute sa clarté que l’on ne saisit pas immédiatement. Cette écriture délicate capte dans le temps, de juillet à décembre, ce qui reste et persiste. C’est une poésie qui ne fait pas d’apparat, qui ne triche pas avec l’image.
Marie de Quatrebarbes réussit à diffuser cette sensation du deuil sans illustrer la mort et la tristesse. Il ressort de la lecture une vitalité qui surprend. L’écriture de son deuil s’attarde sur ce qui vit et sur ce fil ténu entre l’être disparu et les vivants. La poète dit tout, clairement, même lorsque les mots s’effacent. Les vivres n’est pas un livre voilé d’obscurité bien qu’il puisse paraître au premier abord abstrait. Mais l’abstraction n’est ici que l’apparence crue de la réalité qu’elle décrit.
Cette poésie possède une force insoupçonnée. Chaque phrase résonne et le temps, présent par son chapitrage, fait son travail comme lorsque l’on s’alimente. C’est ainsi qu’apparaît la vitalité de ce livre, par la lente maturation de ce qui y est dit. Ce n’est pas une poésie de l’instant, qui se lit et s’oublie aussitôt : Non, Marie de Quatrebarbes travaille cette écriture pour la faire durer en nous.
Si la première lecture se heurte à l’obscurité, il faut y retourner. On y verra la clarté de cette poésie avec laquelle Marie de Quatrebarbes avait su si bien raconter les personnages des bals de New York dans son précédent livre Voguer. Elle déploie ses phrases et redonne un souffle à l’art de la poésie, qui parfois en fait trop et se perd dans des combats inutiles. On ne peut jamais dire qu’une poésie est juste, mais Les vivres possède la délicatesse capable de persister et de transmettre.
96p
Adrien