Le dernier livre d’Arno Calleja intitulé La rivière draguée n’est pas un polar, ni de la poésie et même pas une pièce de théâtre malgré la première étape du texte qui fut interprété en 2018 au centre d’art Venue de Taipei. C’est un texte de littérature enquêtrice et géométrique. Il se base sur un fait divers datant du 21 juin 1985, le meurtre de « la petite inconnue de la rivière ». L’écriture de cette histoire est géométrique, car elle convoque plusieurs figures, à la fois centrale, parallèle et se croisant. Nous lisons au fur et à mesure les voix des « quatre enfants », de « l’homme au sac plastique », de « l’enquêteur », de « la rivière », de « la petite inconnue de la rivière » et enfin de « la femme à la pastèque ».
Arno Calleja dans La rivière draguée ne propose pas de résoudre quoi que ce soit, il produit un texte qui se construit d’approximations et de paroles authentifiées. Rien n’est à remettre en question dans ces témoignages, ni celui, glaçant, de l’homme au sac plastique, ni la prosopopée de la rivière qui a autant de véracité que la parole de l’enquêteur. Comme toujours chez Arno Calleja, nous sommes dans la parole nue, qui s’établit avec le plus de clarté, sans élément pour la perturber. Même cette affaire de petite inconnue ne vient en rien obscurcir les paroles. L’histoire est là, établie par une construction géométrique.
Les figures s’établissent comme des lignes, des centres qui se croisent, s’établissent en parallèle. Nous pourrions résumer l’histoire racontée par Arno Calleja en utilisant un compas et une règle. Même si l’écriture est loin d’être ornementale, elle produit des figures, un dessin mental avec cette rivière qui se trace comme une ligne, les cercles des sacs plastiques et les paroles directrices des personnages. C’est toute la saveur de La rivière draguée, qui se constitue ainsi en un schéma mental, quasi-parfait. Même si le brouillard est convoqué dès le départ, dans La rivière draguée, on voit clair et on saisit immédiatement l’enjeu.
Arno Calleja développe un style qu’il affine de livre en livre. Son écriture se construit en dehors de toute ambition stylistique. Il aborde la violence de manière crue. Cette littérature semble d’une honnêteté absolue, elle ne ment pas, ne cherche pas à se cacher derrière de mystérieuses métaphores. Dans l’écriture d’Arno Calleja, il ne faut pas chercher à dévoiler des mystères, même quand il s’attaque à un fait divers étrange comme celui de « la petite inconnue de la rivière ». Son œuvre propose un sas de décompression pour la lectrice et lecteur qui s’habitue trop souvent à recevoir en bouche une littérature alourdie par l’égo de l’autrice ou de l’auteur.
76p
Adrien