Ce livre de Delphine Bretesché aurait pu être une grande joie, un livre annonciateur de rendez-vous heureux, d’épiphanies toujours renouvelées, presque à l’infini, sans jamais se lasser. Mais la vie est injuste et Delphine Bretesché est décédée le 23 décembre 2021 d’un cancer contre lequel elle luttait. Alors quand on lit ce livre, cette promesse de festin qui avait déjà débuté avec Marseille Festin !, nous sommes profondément triste, contraint à se résoudre que la poète ne nous offrira plus de nouveaux festins qui nous réconcilie avec l’autre et redonne du sens à la rencontre humaine. Québec Festin ! a été écrit avant le premier festin à Marseille, durant une résidence en 2017 de la poète à la Maison de la littérature de Québec. Ce prélude est une ode à la rencontre, aux partages et à la découverte.
Nous pourrions n’être que triste après la lecture, mais il faut garder en soi ce qu’offrit Delphine avec son écriture. C’est un enchaînement de moments de vies, de rencontres avec des femmes et des hommes de la ville de cette province francophone du Canada. Chaque partie est un appel à comprendre l’altérité comme une chance. Delphine Bretesché s’y livre autant sur elle-même que sur les personnes rencontrées. À partir de cette résidence, elle bâtit un pont qui nous relie à l’autre. Cette joie des rencontres qui nous fut empêchée pendant trop de temps, la rayonnante Delphine réussit à nous en faire réaliser l’importance. Car celle-ci constitue sa réflexion, fait évoluer ce qu’elle pense, ce qu’elle est et deviendra.
Delphine Bretesché était une passeuse, qui croyait dans la capacité à tendre la main, ouvrir la porte et simplement discuter. Sa foi dans ce partage était si forte qu’elle voulait initier un cycle de livres autour de cette idée. Il n’y aura eu que Marseille, qui au plus dur de la pandémie était venue nous réchauffer, nous redonner courage. Ces deux livres : Québec festin ! et Marseille Festin ! témoignent d’une nécessité, celle de savoir parler à l’autre, la conscience d’une altérité heureuse et conciliatrice. Si l’écriture et l’art peuvent permettre une simple petite chose, c’est bien cela. Refermer un livre et avoir l’envie de rencontres, de discussions, armé d’une inaltérable curiosité.
Alors non, finalement Québec Festin ! est bien un livre joyeux, annonciateur d’épiphanies collectives. Malgré la disparition de Delphine, la lecture nous invite à continuer ces gestes essentiels, cette connexion aux autres. Il ne faut pas laisser orphelin l’idée que célèbre la poète, lui insuffler du sens, propulser son legs dans nos quotidiens. Ne voir dans Québec Festin ! qu’un livre posthume est une erreur, c’est lui retirer son caractère profondément vivant et ancré dans un besoin évident, celui de trouver cette joie si particulière qui se cache dans chaque rencontre humaine. D’autres festins viendront, car même si Delphine n’est plus, son idéal doit persister.
36p
Adrien